L’expérimentation structurée

École et Stratégies utilise une démarche de résolution de problèmes afin de structurer le processus de changement ou d’amélioration des pratiques éducatives. Cette démarche comprend la mise en œuvre des changements convenus pour atteindre l’objectif ultime, soit celui d’améliorer la réussite des élèves.

Il existe, dans les écrits, diverses terminologies désignant cette mise en œuvre : la phase d’application, d’expérimentation, de réalisation, d’implantation, etc.

L’expression « expérimentation structurée » a été privilégiée par École et Stratégies afin de souligner le caractère de « mise à l’essai » de la pratique avec les ajustements que cela suppose ( expérimentation ) ainsi que l’importance accordée à l’encadrement de la mise en œuvre à l’aide d’un suivi et d’un soutien serrés auprès des personnes impliquées (structurée).

L’expérimentation structurée se rapporte au passage à l’action, à l’application d’une décision. Ce passage obligé de la démarche est utilisé comme processus de changement ou d’amélioration des pratiques éducatives.

Précisons que ces expérimentations structurées visent autant les pratiques enseignantes et professionnelles que les pratiques administratives et de gestion. Par conséquent, elles peuvent toucher les différentes catégories de personnel scolaire. Ces pratiques peuvent prendre différentes formes, que ce soit une séquence d’interventions, un acte professionnel, une démarche d’apprentissage, une nouvelle procédure de gestion du milieu, de gestion de classe ou encore, l’implantation d’un programme pour des élèves à risque.

Pourquoi expérimenter?

À la lumière des travaux en andragogie et en se référant aux grands pédagogues et aux théoriciens de l’apprentissage, on peut affirmer que la perception, le comportement ou les pratiques éducatives ne peuvent changer simplement par l’acquisition de connaissances théoriques sur le sujet. L’apprentissage d’une pratique ou l’acquisition d’une compétence se réalise par le passage à l’action, par une pratique active et répétée.

« La notion d’accompagnement a fait l’objet de nombreux écrits et travaux de recherche depuis les dix dernières années (Boutinet, 2007, Paul, 2004, Pelletier, 2004, Savoie-Zajc, 2005 et 2007). Ils pourraient être vus, chacun à leur façon, comme une forme de réponse aux écrits de Huberman (1990) et, plus récemment, à ceux de Levin (2001) qui démontrent l’importance indéniable de l’étape de mise en œuvre de l’innovation pédagogique dans un contexte scolaire en mouvance. Ces deux auteurs soulignent, qu’une fois l’étape de familiarisation de ses principales caractéristiques et des compétences requises pour la mettre en œuvre complétée, le personnel scolaire doit être guidé dans l’ajustement des pratiques. »

Fondée sur ce principe pédagogique, École et Stratégies fait de l’expérimentation structurée le cœur de son accompagnement.

Savoie-Zajc, L. (2010). Les dynamiques d’accompagnement dans la mise en place de communautés d’apprentissages de personnels scolaires. Éducation et Formation, e-293. Mai 2010.


 

Les caractéristiques de l’expérimentation structurée

Le choix des caractéristiques de l’expérimentation structurée vise à mettre en place des conditions favorables tout en contrant les conditions défavorables afin de favoriser la réussite du personnel scolaire et des élèves.

À petite échelle

Tous ceux qui ont œuvré au sein des milieux scolaires (membres du personnel ou accompagnateurs) en comprennent fort bien la complexité : clientèles diversifiées, programmes chargés, gestion administrative lourde, imprévus quotidiens, etc.

En général, l’introduction de changements représente un défi qui demande des adaptations pour tenir compte du contexte spécifique de chaque milieu.

Or, en évaluation de programmes, on observe que le succès d’une intervention (action, activité, programme, etc.) tient plus souvent de la qualité de sa mise en œuvre que de à la validité même du contenu de l’action ou du programme.

Dans un premier temps, il est plus stratégique, voire réaliste, d’opter pour une expérimentation à petite échelle, ce qui permet de :

  • Mieux soutenir les personnes concernées grâce à un suivi serré tout au long de l’expérimentation. Afin de garantir le plus possible des petites réussites rapides, l’accompagnement des groupes d’expérimentation est clair et plutôt directif tout en veillant aux conditions d’efficacité, notamment la formation du personnel concerné.
  • Procéder plus rapidement aux ajustements nécessaires. L’expérimentation de certains programmes d’intervention peut mettre en évidence nombre d’ajustements organisationnels souvent difficiles à prévoir. Une expérimentation à petite échelle peut ainsi éviter un échec douloureux et coûteux en temps et en énergie. À titre d’exemple, l’expérimentation de programmes de développement des habiletés sociales nécessite une certaine intensité et un réinvestissement par l’ensemble des autres intervenants en contact avec les élèves. L’horaire, la formation et le soutien à la personne ressource ainsi que le temps consacré à la concertation avec l’ensemble des intervenants entraînent un lot de changements et d’ajustements organisationnels. L’expérimentation à petite échelle permet de tester la formule la mieux adaptée au milieu tout en obtenant les résultats attendus.

La petite échelle de l’expérimentation concerne non seulement l’étendue de l’expérimentation (la pratique n’est pas d’emblée appliquée par tout le personnel scolaire concerné à toutes les clientèles cibles) mais aussi le nombre que l’on peut réaliser (une école ne peut pas mener de front plus de deux ou trois expérimentations différentes) en raison de la complexité du processus. L’objectif premier est de faire faire prendre conscience de la rigueur du processus : analyse de situation, choix de l’objectif et de la pratique, suivi de la mise en œuvre et évaluation des effets. Dans ce sens, il est essentiel de maintenir le cap sur les expérimentations convenues et de s’y limiter.

Le volontariat des expérimentateurs

Le succès d’une action repose en partie sur la motivation des personnes qui la posent. Les expérimentateurs doivent donc démontrer un minimum de motivation et d’engagement professionnel pour assurer le succès de l’expérimentation structurée. Ils doivent croire au succès de l’entreprise et avoir des attentes positives et réalistes. La motivation et l’engagement se manifestent par des attitudes ou des comportements qui traduisent la volonté de s’impliquer dans le changement.

Le succès de l’expérimentation peut devenir un véritable moteur de la motivation intrinsèque et constituer la pierre angulaire d’une estime et d’une image de soi positives (voir Mario Richard et Steve Bissonnette – Vie pédagogique no 123, avril-mai 2002, no 2).

École et Stratégies cherche donc à permettre aux expérimentateurs de connaître des succès afin de renforcer leur sentiment de compétences et de pouvoir agir (qui sont, en soi, des déterminants de la mobilisation), mais aussi pour favoriser l’effet de « contagion » aux autres membres du personnel.

De plus, en démontrant que des améliorations sont possibles, cette approche a l’avantage de contrer progressivement la résistance aux changements et le pessimisme qui peuvent parfois gagner certains milieux.

Il est donc prudent, voire stratégique, de commencer avec les membres du personnel qui se portent volontaires : prudent, car travailler à petite échelle permet de tester la pratique et les procédures de suivi et du coup, d’ajuster le tir rapidement, et stratégique, car la motivation et l’engagement du personnel impliqué est en soi une condition d’efficacité.

Expérimenter une pratique reconnue efficace

L’objet même de l’expérimentation structurée est bien sûr une caractéristique qui en favorise le succès.

La pratique mise en œuvre représente le résultat de l’analyse rigoureuse de la pratique en place par rapport à celles reconnues efficaces. Les améliorations choisies sont donc bien documentées et pertinentes pour l’objectif et la clientèle ciblés.

Le succès escompté permettra également de contrer certains facteurs défavorables à l’amélioration des pratiques.


 

Quelques conditions défavorables au succès de l’expérimentation structurée

En plus des quelques réflexions portant sur les résistances au changement exposées dans le texte de référence du même titre, des attitudes ou comportements qui nuisent au changement (et donc au succès des expérimentations structurées) ont été documentés.

La croyance dans les faibles capacités des élèves et les attentes peu élevées envers eux

Parmi toutes les variables caractérisant le climat de l’école, le sentiment de « fatalisme » ou le fait de ne pas croire au potentiel des élèves se classent parmi les plus importantes pour expliquer leur faible degré de réussite. Plus le degré de « fatalisme » est élevé dans une école, moins bons sont les résultats aux épreuves standardisées »1 . Ce facteur, particulièrement chez les enseignants, oriente leurs interventions et leur degré d’engagement.

À l’inverse, une croyance élevée dans la capacité de réussite de tous les élèves est une des caractéristiques relevées dans les écoles efficaces, même en milieu défavorisé2 . Ces écoles efficaces deviennent une référence et nous enseignent que leur personnel croit que les élèves des milieux défavorisés présentent les mêmes capacités d’apprendre que les autres élèves3 . Enfin, il est démontré que des écoles peu performantes peuvent devenir des écoles performantes4 .

L’accompagnement d’École et Stratégies ne vise pas à travailler directement sur les croyances du personnel scolaire, mais plutôt à les influencer par des expériences positives. Connaître un succès en mettant en œuvre une nouvelle pratique influence positivement, chez le personnel scolaire, non seulement sa perception des capacités de l’élève mais également la perception qu’il a de son propre pouvoir d’action et de ses compétences.

Références

1. Alain, M. et Dessureault, D. (2009). Élaborer et évaluer les programmes d’intervention psychosociale. PUQ

2. Archambault, J. Ouellet, G. et Harnois, L. (2006). Diriger une école en milieu défavorisé : Ce qui ressort des écrits scientifiques et professionnels. Programme de soutien à l’école montréalaise. Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport.

3. Bissonnette, S. Mario Richard M. et Gauthier, C. (2005). Intervention pédagogique efficace et réussite scolaire des élèves provenant de milieux défavorisés. Revue française de pédagogie, 150.

4. Brookover, W. B. (1985 : voir Ouellet, 1995). Can We Make Schools Effective for Minority Students?. The Journal of Negro Education, 54(3), 257-266.

5. Logiciel Antidote (2008). Druide informatique. www.antidote.info

6. Edmonds, R. (1979 : voir Ouellet 1995). Effective Schools for the Urban Poor. Educational Leadership, 37, 15-18.

7. Edmonds, R. (1982 : voir Ouellet, 1995). Programs of School Improvement: An Overview. Educational Leadership, 40, 4-11.

8. Gauthier, C., Mellouki, M., Bissonnette, S. et Richard, M. (2005). Écoles efficaces et réussite scolaire des élèves à risque. Un état de la recherche. CRIFPE. Université Laval

9. Henchey, N., Dunnigan, M., Gardner, A., Lessard, C., Muhtadi, N., Raham, H. et Violoto (2001 : voir Gauthier et coll. 2005). Schools that make a difference : Final Report. Twelve Canadian Secondary Schools in Low-Income Settings. Society for the Advancement of Excellence in Education.

10. Joly, J. Touchette, L. et Pauzé, R. (2009). Les dimensions formative et sommative de l’évaluation d’implantation d’un programme. Dans Marc Alain et Danny Dessureault (2009 p. 117-145). Élaborer et évaluer les programmes d’intervention psychosociale. PUQ.

11. Lafortune, 2006 p.195

12. Lafortune, L. (2008). Compétences professionnelles pour l’accompagnement d’un changement. Un référentiel. PUQ. Québec

13. Levine, D. U.et Lezotte, L. W. (1990 : voir Gauthier et al. 2005). Unusually Effective Schools: A Review and Analysis of Research and Practice. Madison WI : National Center for Effective Schools Research and Development.

14. Mayer, R., Ouellet, F et Turcotte, D. (2000). Méthodes de recherche en intervention sociale. Gaëtan Morin éditeur.

15. Murphy, J., Weil, M., Hallinger, P., Mitman, A. (1985). School Effectiveness: A Conceptual Framevork. Educational forum, 49(3), 361-374.

16. Rutter, M., Maugham, B., Mortimore, P., et Ouston, J. (1979 : voir Ouellet, 1995). Fifteen Thousand Hours: Secondary Schools and Their Effects on Children. Cambridge, Mass: Harvard University Press.

17. Savoie-Zajc, L. (1993). Les modèles de changement planifié en éducation. Les Éditions Logiques.

18. Teddlie, C. et Reynolds, R. (2000). The International Handbook of School Effectiveness Research. London : Falmer Press


1. Brookover, 1985 cité par Ouellet, G. (2009). Recension des écrits sur les écoles efficaces. Document élaboré à la demande du CTREQ.
2. Archambault, J. et Harnois, L, Ouellet, G., 2006. Brookover l985. Edmonds, 1979. Henchey, Dunnigan, Gardner, Lessard, Muhtadi, Raham et Violoto 2001. Levine et Lezotte, 1990. Murphy, Weil, Hallinger et Mitman, 1985. Rutter, Maugham, Mortimore et Ouston 1979. Cités par Ouellet 2009
3. Archambault, J., et Harnois, L., 2005 cité par Ouellet, G. (2009). Recension des écrits sur les écoles efficaces. Document élaboré à la demande du CTREQ.
4. Archambault, J., et Harnois, L., 2005 cité par Ouellet, G. (2009). Recension des écrits sur les écoles efficaces. Document élaboré à la demande du CTREQ.