Des modèles de transfert de connaissances

 

Le modèle de Landry et al.1

Selon Landry et al., six étapes définissent le transfert de connaissance. Elles ne sont pas toujours suivies de façon linéaire, et nécessitent parfois des retours en arrière.

 

1- La génération des connaissances : production à partir de diverses sources issues de la recherche et de la pratique axée sur le souci d’avancement des connaissances scientifiques et d’amélioration des pratiques.

2- L’adaptation des connaissances : simplification du langage, illustrations d’application, mise en forme adéquate, échanges sur les effets desdites connaissances et amélioration de l’accessibilité des connaissances aux utilisateurs potentiels.

3- La dissémination (ou diffusion) : acheminement des résultats de recherche aux milieux de pratique. Concept multidimensionnel qui considère à la fois la source de dissémination, le produit disséminé, l’utilisateur, les canaux de communication, le format de communication ainsi que les ressources affectées pour ces activités2. La source de dissémination pourrait également provenir du milieu de la pratique si les producteurs de connaissances en sont issus. Dans ce sens, nous parlons d’une diffusion bidirectionnelle.

4- La réception des connaissances : contact direct entre l’utilisateur et la connaissance produite. Cette étape nécessite que les connaissances suscitent un intérêt3.

5- L’adoption des connaissances : processus par lequel un individu ou une unité de prise de décision décide de rejeter la connaissance ou de l’adopter, de l’implanter et, finalement, confirme sa décision.

6 L’utilisation des connaissances : processus par lequel les connaissances sont appliquées pour résoudre des problèmes ou pour atteindre des buts.


Le modèle de Lemire, Souffez et Laurendeau 4

La figure ci-dessous illustre les étapes du transfert et fait ressortir l’interactivité entre chaque étape du processus de transfert de connaissances.

modele-lemire

1 - La production ou coproduction de contenu : création, mobilisation ou sélection de connaissances pertinentes à un objet ou une question spécifique. L’objectif est essentiellement de créer un produit ou un matériel qui pourra être utilisé.
Afin de favoriser l’appropriation et l’utilisation de ce dernier, il faut s’assurer, dès le départ, de la présence des futurs utilisateurs, considérer leurs besoins et leurs préoccupations, s’inspirer du matériel existant et des savoirs d’expérience. Ces considérations, impliquent des allers-retours entre producteurs et utilisateurs potentiels et des lieux d’échange où chercheurs et milieux de pratique collaborent à la coproduction des connaissances. Elles impliquent également, du soutien à la validation de pratiques innovantes et l’élaboration de démarches d’expérimentation.

2 - L’adaptation du contenu et du format : adaptation du format et du langage (clair, concis, cohérent) en fonction des publics ciblés, de leur niveau de préoccupation, du contexte sociopolitique ou organisationnel et des objectifs visés par le transfert (sensibiliser ce public à une nouvelle problématique, aller chercher son appui, l’influencer ou lui faire changer une pratique professionnelle). Cette étape vise à rendre les connaissances produites compréhensibles pour les utilisateurs.

3 - La diffusion des produits : processus par lequel les connaissances (ou le produit dont il est issu) sont communiquées pendant une certaine période de temps, à travers différents canaux de communication. Cette étape vise à rendre accessibles les connaissances (ou le produit) aux utilisateurs.

  • Les stratégies : La diffusion tient compte de la clientèle et des objectifs visés afin de déterminer les meilleurs moyens ou canaux de diffusion possibles (colloque, séminaire, atelier, session de formation avec ou non une relance dans le temps, table ronde, etc.). Elle tient également compte du moment opportun et s’appuie sur des alliés dans les milieux utilisateurs qui prépareront l’accueil et l’échange autour des connaissances. Plus la diffusion est interactive, intense et continue, plus elle est susceptible de laisser des traces.

4 - La réception des connaissances : réfère au contexte dans lequel les connaissances sont transférées, ainsi qu’à la capacité et à l’intérêt des utilisateurs de recevoir les connaissances.

5 - L’adoption des connaissances : réfère au processus par lequel l’utilisateur, après avoir été en contact avec la nouvelle connaissance, décide ou non de l’adopter. Ce processus peut se faire au niveau individuel, collectif ou au niveau d’une organisation (mise sur pied d’un nouveau programme).

6 - L’appropriation des connaissances : assimilation des nouvelles connaissances ou d’une nouvelle façon de concevoir une problématique par un individu qui les intègre dans son bagage de connaissances, d’expertises et de savoir-faire.

  • Les stratégies : L’appropriation peut se faire au sein d'échanges structurés entre producteurs et utilisateurs, d’échanges informels à l’intérieur d’une communauté de pratique ou encore à l’intérieur d’activités concrètes permettant d’expérimenter une nouvelle façon de faire. Pour être efficaces, ces échanges et activités doivent tenir compte des connaissances déjà acquises ainsi que du savoir-faire et des expériences des utilisateurs puisque les nouvelles connaissances passeront, en quelque sorte, à travers le filtre de leurs propres expériences.

7 - L’utilisation des connaissances : on distingue quatre différentes utilisations des connaissances :

  • Conceptuelle : la connaissance produite apporte un éclairage nouveau sur une problématique, ou encore, permet d’approfondir la compréhension de problèmes complexes.
  • Instrumentale : les résultats d’une recherche spécifique, le produit d’une synthèse de connaissances ou des recommandations provenant d’experts sont directement utilisés dans l’élaboration d’une politique, dans la prise de décisions ou dans le processus de résolution d’un problème.
  • Symbolique ou stratégique : l’utilisation (parfois sélective) des résultats de la recherche est faite dans le but de légitimer et de soutenir des positions déjà prises ou pour construire un argumentaire pour l’action.
  • Processuelle : l’utilisation processuelle fait référence à l’impact du processus de la recherche même sur les participants. En effet, le simple fait de s’impliquer dans une recherche ou dans un projet d’évaluation amène des changements dans la façon de penser et d’agir des participants (chercheurs, praticiens ou gestionnaires).
  • L’appréciation des retombées – l’évaluation : mise en place d’un processus d’évaluation qui renseigne sur le degré d’appréciation des utilisateurs ou participants aux formations ou à l’accompagnement ou sur le degré d’adhésion aux connaissances, produits, outils, etc.

Le modèle de Graham 5

Le modèle de Graham s’avère fort intéressant pour compléter et préciser le modèle de Tremblay.

La traduction et la légère adaptation de Michelle Gagnon en offrent une bonne représentation.

modele-gagnon

Ce modèle considère deux concepts clés : la création de connaissances (représentée au centre du modèle par la pyramide inversée) et sa mise en action (cycle).

Ces deux concepts sont perméables et l’un et l’autre peuvent s’influencer tout au long du processus de transfert décrit en huit étapes.

La création de connaissances

1- La création de connaissances :produire, rechercher et traiter des connaissances scientifiques ou expérientielles. Plus les connaissances migrent vers le bas de la pyramide inversée, plus elles sont sélectionnées en fonction de différents critères (validité, pertinence et degré d’utilité pour les milieux de pratique, etc.). Ce processus comprend trois étapes :

  • La recherche de connaissances
  • L’élaboration de synthèse
  • La création de produits/outils

 

Le cycle de la mise en action

2- Trouver le problème : on peut soit cerner un problème qui nécessite des connaissances pour le résoudre, ou alors découvrir de nouvelles connaissances qui nécessitent la vérification de l’écart entre les pratiques actuelles et ces nouvelles connaissances.

3- Adapter les connaissances au contexte social : processus par lequel une connaissance particulière est jugée utile et appropriée dans un milieu ou un contexte donné. À cette étape, la connaissance peut être ajustée à la situation particulière.

4- Évaluer les obstacles : repérer des obstacles ou des facilitateurs de l’utilisation au niveau de la connaissance elle-même, des utilisateurs ou du contexte et prévoir des interventions appropriées pour favoriser le processus.

5- Choisir, adapter et mettre en place les interventions : mettre en œuvre les interventions nécessaires à l’implantation de la nouvelle connaissance. Ces interventions peuvent varier en fonction de l’auditoire que l’on désire toucher.

6- Surveiller l’utilisation :suivre et mesurer l’utilisation; trois types d’utilisation peuvent être mesurés :

  • Utilisation conceptuelle (changement sur le plan des connaissances, de la compréhension ou des attitudes);
  • Utilisation instrumentale (changement dans les comportements ou les pratiques);
  • Utilisation stratégique (connaissances comme appui des croyances, attitudes ou décisions actuelles).

    Cette surveillance permettra d’évaluer le degré de changements apporté chez les utilisateurs par l’utilisation des connaissances et le besoin éventuel de nouvelles interventions. Le cas échéant, la surveillance permet aussi de déterminer les causes du     manque d’utilisation et de changement (manque d’intérêt des utilisateurs, obstacles hors contrôle ou nouveaux obstacles apparus suite à l’implantation de la nouvelle connaissance, etc.).

7- Évaluer les résultats : vérifier l’impact de la nouvelle connaissance sur le problème identifié.

8- Maintenir l’utilisation des connaissances : déterminer les obstacles au maintien de la connaissance, élaborer des interventions visant à y faire face, surveiller le maintien des connaissances et évaluer l’impact à long terme.


1. Landry, R., Becheikh, N., Amara, N., Ziam, S., Odrissi, O. et Castonguay, Y. (2007). La recherche, comment s’y retrouver? Revue systématique des écrits sur le transfert de connaissances en éducation. Gouvernement du Québec, ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, Québec, 2008. 47 pages.
2. Huberman & Gather-Thurler, 1991; Kirst, 2000 dans Landry et al. (2007).
3. Roy et autres, 1995 dans Landry et al. (2007).
4. Lemire, Nicole, Souffez, Karine et Laurendeau Marie-Claire. Animer un processus de transfert des connaissances : bilan des connaissances et outil d’animation, Institut national de santé publique. Québec, 2009.
5. Graham, I., Logan, J., Harrison, M.B., Straus, S.E., Tetroe, J., Caswell, W., & Robinson, N. (2006). Lost in Knowledge translation : Time for a Map ? The journal of Continuing Education in the Health Professions, 26, 13-24.
6. Gagnon, Michelle. Institut de recherche en santé du Canada, [En ligne]. http://www.cihr-irsc.gc.ca/f/40618.html (page consulté le 21 février 2012).