Concepts de rétroaction et de pratique réflexive

La rétroaction

La rétroaction est une information, un commentaire, un bilan, donnés à une personne à propos de ses actions, de ses productions, de ses attitudes ou de ses comportements.

Selon Wlodkowski et Ginsberg (1995)1, les caractéristiques de la rétroaction sont d’être :

  • basée sur des objectifs au sujet desquels il y a déjà eu entente
  • donnée au moment opportun tout en étant rapide
  • bien ciblée et constructive
  • plus ou moins quantitative
  • positive
  • personnelle et prenant en compte les différences.

L’intention de la rétroaction est d’informer plutôt que contrôler.

Il est suggéré de demander aux apprenants le type de rétroaction qu’ils préfèrent.

Il est important de reconnaître les meilleurs moments pour donner de la rétroaction.

Il est important de vérifier si la rétroaction a été bien comprise.

La rétroaction réflexive interactive peut prendre la forme d’un commentaire, d’une communication d’informations, d’un bilan mais aussi d’un questionnement et ainsi, avoir un sens plus large. Dans cette perspective, elle suscite alors des réflexions, des confrontations ou des prises de conscience qui exigent un recadrage, une remise en question ou une régulation dans un but de changement, d’avancement, d’évolution ou d’explication. Utilisée de cette façon, la rétroaction peut avoir une influence sur le développement des compétences et sur la motivation des personnes apprenantes, car celles-ci peuvent mieux évaluer leurs progrès, comprendre leur performance, maintenir leurs efforts et recevoir des encouragements.

[…] Elle amène la personne qui la reçoit à réfléchir sur ses actions, ses productions, ses attitudes ou ses comportements et à penser à une solution et à en discuter.

Il est possible de rétroagir de diverses façons, mais le moyen à utiliser pour réaliser une rétroaction réflexive-interactive est le questionnement.

Une rétroaction réflexive-interactive réalisée à l’aide du questionnement est une rétroaction qui encourage la personne accompagnée à poser des questions, à se poser des questions dans l’action et à prendre conscience que l’utilisation de ce moyen exige rigueur, clarté et précision. C’est une rétroaction qui, en plus de faire prendre conscience aux personnes accompagnées des conditions à mettre en place pour que le questionnement soit efficient, leur fait prendre conscience des avantages du questionnement dans l’apprentissage.

Les rétroactions se situent sur un continuum allant des rétroactions peu réflexives à des rétroactions très réflexives c’est-à-dire des rétroactions qui suscitent de plus en plus la réflexion.

Rétroactions pas ou peu réflexives-interactives : exemples

  • Ton travail est bien amorcé, mais si tu travailles encore, tu pourras mieux répondre aux objectifs.
  • Votre conclusion ne rend pas justice à l’ensemble de votre travail. En la retravaillant selon nos commentaires, vous pourriez améliorer grandement le travail et ainsi, donner le goût à plusieurs personnes de lire le reste du document.
  • Vous vous améliorez grandement. Depuis la dernière fois, vous avez fait beaucoup moins d’erreurs. Par exemple, telle erreur (en la spécifiant) est beaucoup moins présente dans votre travail. Il faut travailler maintenant à ne plus la faire.

Rétroactions réflexives interactives : exemples

  • Êtes-vous satisfait de votre travail? Qu’est-ce qui justifie votre niveau de satisfaction? Qu’est-ce qui peut vous aider à en juger?
  • À quels critères d’évaluation pensez-vous avoir le mieux répondu?
  • De quels aspects êtes-vous le plus satisfait dans votre texte? Quels aspects croyez-vous devoir améliorer?
  • Lorsque vous abordez un texte, quelles sont les parties que vous lisez en premier afin de décider s’il est intéressant? Que pensez-vous de votre introduction et de votre conclusion?
  • Dans ce que vous venez de faire, entourez ce qui vous paraît satisfaisant, ce sur quoi vous n’avez pas à revenir et entourez ce qui mérite une révision. Qu’est-ce qui vous incite à dire que certains aspects méritent une révision?
  • Que considérez-vous qui est amélioré depuis la dernière fois? Personnellement, je vois plusieurs aspects qui ont cheminé positivement, pouvez-vous essayer d’en identifier quelques-uns

Une rétroaction efficace (Wlodkowski et Ginsberg, 1995)2

 

  • Est sincère
  • Apporte des précisions et des nuances
  • Est répartie entre les membres d’un groupe
  • Est dosée
  • Est présentée en public ou en privé selon le contexte
  • Démontre de l’estime

LA PRATIQUE RÉFLEXIVE

Le praticien réflexif, selon Lafortune et Deaudelin (2001) , désigne la personne qui se montre capable, d’une part, de décrire et d’analyser sa pratique ainsi que d’en examiner l’efficacité et, d’autre part, de créer ou d’adapter ses propres modèles de pratique en tirant profit des modèles existants (modèles d’intervention ou d’accompagnement) afin d’améliorer sa pratique ».

La pratique réflexive consiste à porter un regard critique sur son propre fonctionnement ce qui suppose :

  • des prises de conscience de cohérences et d’incohérences entre pensées et actions, entre croyances et pratiques,
  • une analyse de ses actions (individuelles et collectives),
  • des prises de décisions et des ajustements et une modélisation active de sa pratique en constante évolution

Les questions clés de la pratique réflexive :

  • Que se passe-t-il?
  • Comment cela se passe-t-il?
  • Pourquoi cela se passe-t-il?
  • Que peut-on améliorer?

Les étapes de la pratique réflexive :

Analyser sa pratique :

  • Examiner les différentes composantes de sa pratique
  • Comprendre les liens entre les différentes composantes et les actions posées
  • Se donner une représentation de sa pratique

Passer à l’action :

  • Préparer, planifier, anticiper
  • Expérimenter
  • Réinvestir
  • Changer de pratique
  • Analyser les actions (individuellement, collectivement)
  • Faire des prises de conscience
  • Envisager des ajustements

Créer son propre modèle :

  • Décrire et expliquer sa pratique
  • Faire ressortir les aspects théoriques et pratiques menant à des actions particulières
  • S’inspirer de modèles existants et les adapter pour les présenter en un tout cohérent

Développer une posture et une pensée réflexives :

  • Une posture réflexive
    • Intention, prédisposition, engagement
  • Une pensée réflexive
    • Pensée critique, pensée créative, métacognition et argumentation
  • Les exigences d’une pratique réflexive :

    • Intégration d’une façon d’être
    • Choix volontaire
    • Goût et plaisir pour les débats pédagogiques
    • Préoccupation de créer des liens
    • Analyse de la congruence entre pensée et action (cohérence entre croyances et pratiques)
    • Ouverture pour la complexité et le déséquilibre cognitif

    L’utilité d’une pratique réflexive :

    • Ajustements de croyances et de pratiques selon un fil conducteur
    • Renforcement de l’image de soi
    • Innovations pédagogiques appuyées sur une argumentation
    • Fondements théoriques utilisables dans différents contextes
    • Capacité de faire des liens
    • Analyse de situations problèmes en tenant compte de différentes facettes des situations (individus, contexte, théorie, programme de formation…)
    • Regard lucide sur son propre fonctionnement
    • Modélisation active de sa pratique, en évolution constante
    • Souci d’accorder une place à la recherche dans sa classe
    • Réflexion sur sa pratique, guidée vers l’autonomie
    • Appréciation des débats pédagogiques

    Pour accompagner la pratique réflexive, des aspects sont à prendre en compte :

    Le contexte :

    Savoir reconnaître jusqu’où on peut ébranler les personnes accompagnées pour susciter le changement :

    • De l’apprivoisement
    • À l’appropriation
    • À l’approfondissement
    • À l’autonomie

    Avoir un souci de cohérence entre ce qui est dit et ce qui est fait (entre croyances et pratiques); avoir un fil conducteur et le respecter

    Préparer des interventions au-delà du contenu :

    • Prévoir les réactions
    • Penser à des questions réflexives
    • Prévoir des ajustements (plan B, C…)

    Une intention :

    Savoir inciter (ou mener) à garder des traces :

    • Pour réfléchir
    • Pour des retours collectifs
    • Pour des ajustements

    Susciter des prises de conscience de l’importance de garder des traces :

    • De l’étincelle à l’intégration
    • Du déclic à l’action

    Une dimension cognitive :

    Savoir remettre en question sans susciter de la résistance, mais aussi sans tout accepter Susciter des déséquilibres (cognitifs) sécurisants (sur le plan affectif) et savoir les vivre

    Une dimension affective :

    Reconnaître et comprendre les réactions affectives

    Utiliser des rétroactions réflexives interactives

    Une dimension métacognitive :

    Savoir questionner pour faire réfléchir sous plusieurs aspects :

    • Croyances, pratiques, émotions…

    Savoir modeler (se donner en exemple) en montrant ses doutes, ses interrogations, ses remises en question

    Observer en utilisant plusieurs regards et partager ses observations :

    • Ce qui se dit, ce qui se passe
    • Comment cela se passe
    • Pourquoi cela se passe de cette façon
    • Ce qui pourrait être dit (être fait) pour susciter la remise en question

    Des expertises :

    ***pour les personnes accompagnatrices et accompagnées

    Savoir se remettre en question, s’autoévaluer, s’auto observer et savoir mettre les personnes accompagnées dans une telle situation

    L’utilisation du questionnement réflexif par l’accompagnateur s’inscrit dans une vision socioconstructiviste de l’accompagnement.


    L’ACCOMPAGNEMENT SOCIOCONSTRUCTIVISTE

    Ses caractéristiques :

     

    • Soutien axé sur la construction des connaissances des personnes accompagnées en interaction avec les pairs […]. Interaction entre la personne accompagnatrice et celle qui est accompagnée (Lafortune et Deaudelin, 2001, p. 200)
    • Prise en compte des connaissances antérieures.
    • Coconstruction.
    • Intention de susciter des conflits cognitifs.
    • Préoccupation de former des praticiens réflexifs et des individus métacognitifs (Lafortune et Deaudelin, 2001)
    • Connaissance des fondements, des visées et des orientations du changement intégrés au modèle de pratique. Décisions et gestes professionnels pour susciter l’engagement du personnel, le soutenir et le guider (Lafortune, 2008)

    1. Dans Lafortune, L. (2008) Rétroaction : réflexion et interaction. UQTR. http://www.uqtr.ca/accompagnement-recherche
    2. Dans Lafortune, L. (2008) Rétroaction : réflexion et interaction. UQTR. http://www.uqtr.ca/accompagnement-recherche