Les écoles efficaces*

École et Stratégies se fonde sur la recherche dans le domaine de l’éducation, du décrochage scolaire, du transfert de connaissances, de la gestion du changement et sur la recherche sur les écoles efficaces. La méthodologie de la recherche-action inspire également de nombreux éléments d’École et Stratégies. Le texte qui suit s’attarde principalement aux résultats de recherche sur les écoles efficaces.

 

La recherche sur les écoles efficaces

Qu’entendons-nous par « école efficace »?

Les écrits scientifiques et professionnels emploient différents termes pour décrire positivement une école : « école efficace », « bonne école », ou encore « école exemplaire ». L’appellation « école efficace » désigne généralement « des écoles situées dans les quartiers défavorisés au sein desquelles la performance scolaire des élèves, mesurée à l’aide d’épreuves standardisées, rejoint ou surpasse celle d’élèves provenant de quartiers mieux nantis »3. Selon d’autres chercheurs, une école est efficace si tous ses élèves atteignent un niveau acceptable de rendement scolaire, et ce, indépendamment de leur appartenance à une minorité ou à une classe sociale particulière4. Par ailleurs, les termes « bonne école » ou « école exemplaire » sont souvent utilisés pour qualifier des écoles de bonne réputation et dans lesquelles règnent un climat serein et un bon encadrement3.

La plupart des travaux de recherche sur les écoles efficaces sont réalisés en milieu défavorisé.

Les recherches en milieu scolaire ont principalement été influencées par deux courants. Le premier insiste sur certains intrants en tentant d’établir des liens entre les ressources utilisées, le milieu socioéconomique et la réussite des élèves. Le deuxième s’intéresse surtout aux processus internes de l’école et à leur contribution à la réussite scolaire des élèves5.

Premier courant de recherches dans les années 1960 : l’école a peu d’effet sur la réussite des élèves

Ce sont particulièrement les travaux de James S. Coleman et de ses collaborateurs qui, au début des années 1960, ont lancé ce courant de recherches. Selon celles-ci, l’école en soi exerce peu d’influence sur le rendement scolaire contrairement à l’environnement social et familial, qui sont les principales sources d’inégalités encore présentes lorsque l’élève deviendra adulte4. Il faut cependant noter quelques nuances dans les propos de Coleman. En effet, dans son rapport de 1966, il note que s’il existe une correspondance élevée entre milieux défavorisés et difficultés scolaires, cette situation n’est pas irréversible, et que l’école elle-même peut venir contrebalancer le poids de l’origine socioéconomique des élèves2. De son côté, Christopher Jencks4, reprenant les données de Coleman et tenant compte de celles d’autres études, précise que les effets du statut socioéconomique des élèves ou leur appartenance à un groupe minoritaire ainsi que leur quotient intellectuel constituent de bons indicateurs du rendement scolaire, et ce, indépendamment de la qualité et de la quantité des services et des ressources des écoles. Plus récemment, ce chercheur ainsi que d’autres, comme Meredith Phillips (1998)3, ont révisé leur position quant à l’impact des facteurs socioéconomiques sur le rendement scolaire. En effet, alors qu’ils affirmaient, en 1972, à l’instar de Coleman, que l’effet de l’école était négligeable auprès des élèves de milieux défavorisés, ils concluent maintenant, en se fondant sur des données plus récentes, que le facteur-école est le meilleur indicateur du rendement scolaire, spécialement pour les élèves de milieux défavorisés.

Deuxième courant de recherches à partir des années 1970 : l’école a un effet sur la réussite des élèves

Les recherches sur les écoles efficaces se sont vraiment développées vers la fin des années 1970 dans l’ensemble des pays anglo-saxons, mais d’abord aux États-Unis et en Grande-Bretagne3.

Ces études ont établi que certaines écoles étaient plus efficaces que d’autres et ont identifié les facteurs qui les caractérisent. Contrairement à certaines avancées de recherche sociologiques de cette époque, ces recherches ont permis de découvrir que l’école joue un rôle important et a un effet sur l’apprentissage des élèves. En plus de démontrer l’effet que peut obtenir un enseignant sur le rendement scolaire de ses propres élèves tout au long de l’année scolaire, les recherches révèlent que certaines écoles parviennent à prolonger cette influence sur plusieurs années et à provoquer ainsi ce qu’on appelle un véritable « effet-école ». Ces écoles dites « efficaces », aussi situées dans des quartiers défavorisés, ont adopté des mesures permettant de cumuler, d’une année à l’autre, la valeur ajoutée des enseignants3.

Ces études ont permis d’avancer qu’il était possible d’améliorer l’acquisition de connaissances d’un grand nombre d’élèves, en particulier ceux issus des classes sociales défavorisées3.

On attribue principalement à deux approches méthodologiques nouvelles le changement de paradigme dans le domaine de l’analyse des effets de l’école sur le rendement scolaire des élèves, soit les recherches empiriques utilisant la technique de la méta-analyse et les études mesurant la valeur ajoutée de l’enseignant. Ces travaux ont réussi à comparer et à mesurer avec une plus grande finesse l’impact de différents facteurs sur la performance scolaire des élèves, ce que les enquêtes sociologiques du type de celle menée par Coleman ne permettaient pas de faire.

George Weber (1971)4 fut un pionnier dans le domaine des écrits scientifiques sur les variables scolaires susceptibles d’influencer la réussite des élèves. Il a étudié des écoles de milieu urbain dont les élèves réussissaient mieux que ceux d’autres écoles comparables.

De leur côté, Rutter, Maugham, Peter Mortimore et Ouston (1979)4, ont mené une étude longitudinale de quatre ans dans 12 écoles secondaires de Londres, qui les a mené à affirmer que les élèves, peu importe leur milieu socioéconomique, ont plus de chances d’obtenir de bons résultats scolaires s’ils fréquentent des écoles ayant notamment certaines caractéristiques d’écoles efficaces.

Pour Mortimore (1988)4, les progrès des élèves sont en majeure partie attribuables à l’influence déterminante de l’école. Ce chercheur avance même que l’école est environ quatre fois plus importante que l’environnement socioéconomique pour prédire le progrès des élèves. Benjamin Bloom (1979)4, quant à lui, estime que l’intelligence et les aptitudes ne peuvent expliquer entièrement le rendement scolaire des élèves. Il mentionne que la plupart peuvent réussir à condition qu’on leur accorde le temps nécessaire et l’aide appropriée.

Ces constats sont également appuyés par l’Institut Fraser qui, dans ses différents rapports sur le classement des écoles secondaires en Colombie-Britannique, en Alberta et au Québec, note qu’un certain nombre d’écoles situées dans des quartiers socio-économiquement pauvres atteignent ou surpassent les performances scolaires d’écoles situées dans des quartiers mieux nantis3.

Comme on peut le constater, de nombreuses études publiées depuis le début des années 1980 ont montré que le milieu scolaire exerce une influence importante dans l’apprentissage des élèves en dépit du contexte socioéconomique dont ils sont issus3.

« De nos jours, la recherche sur l’efficacité des écoles ne se limite plus à la question de savoir si les écoles influencent ou non les résultats des élèves puisque, de toute évidence, la réponse est affirmative (Bressoux, 1994; Good et Brophy, 1986; Henchey, 2001 ; Lezotte, 1995 ; Marzano, 2000; Reynolds et coll., 2002 ; Teddlie et Reynolds, 2000 ; Teddlie et al., 1989, Teddlie et Stringfield, 1993 ; Wendel, 2000). À cet égard, le Département d’éducation des États-Unis (U.S. Department of Education) a confié en 2000 à l’organisme Education Trust le mandat de constituer une base de données répertoriant les performances scolaires et les caractéristiques démographiques des écoles provenant d’une quarantaine d’États américains. Leur rapport, publié en 2002, a identifié plus de 2 700 écoles performantes localisées dans des quartiers défavorisés répartis dans l’ensemble des États-Unis, dont au moins 50 % de la population étudiante est d’origine multiethnique (afro-américaine et latino-américaine) et qui profite de programmes d’aide à l’alimentation. La performance scolaire de ces écoles les situe dans le premier tiers des écoles les plus performantes de leur État respectif »3.

Contrairement à ce qu’on avançait dans les années 1960, la communauté scientifique reconnaît aujourd’hui que l’école peut faire la différence et qu’elle a un effet manifeste sur l’apprentissage des élèves. Des écoles fréquentées par des populations comparables, et disposant de ressources matérielles et humaines équivalentes présentent des résultats significativement différents. Ces écarts ont été mesurés à l’aide de méthodes scientifiques. L’expertise de l’école peut donc exercer une influence croissante sur les résultats scolaires4.


L'importance de l'effet-école selon différents chercheurs

Si l’effet-école est maintenant reconnu, le quantifié demeure un sujet délicat.

Selon les recherches de Jencks et Coleman, le rendement scolaire est davantage influencé par les facteurs tels que l’hérédité et l’environnement familial, qui expliquent de 65 % à 85 % de la variance dans les résultats scolaire, alors que les facteurs liés strictement à l’école n’en expliquent que de 15 % à 35 %2 et 4.

Dans leur étude, Henchey et ses collaborateurs3 rapportent trois visions différentes de l’effet-école :

  • «Cinquante pourcent du rendement scolaire est basé sur les effets de l’école et de la classe selon le Victorian Accountability Framework (1998). Building High Performance Schools. Paper presented to OECD New Zealand Conference Combating failure at School;
  • Vingt-huit pour cent, selon Kovacs (1998);
  • De huit à quatorze pour cent, selon Stoll et Fink (1996). »

Les principales caractéristiques des écoles efficaces

Les principales caractéristiques des écoles efficaces sont tirées d’une analyse de recensions d’écrits réalisée par Deblois et Corriveau (1994), Gauthier et coll. (2004, 2005), Ouellet (2009), ainsi que de la méta-analyse de Wang, Haertel et Walberg ( 1993).

Ces caractéristiques sont de l’ordre des attitudes (savoir-être) et des interventions (savoir-faire).

Du point de vue de l’équipe-école, le leadership de la direction d’une école efficace est fort et partagé, les membres de l’équipe-école sont impliqués et l’on y observe un climat de coopération, d’engagement et de développement des compétences.

Engagement, collaboration et climat de coopération

La direction partage son leadership, consulte régulièrement les enseignants et sollicite leur participation dans la prise de décisions importantes4. C’est ce qu’on appelle un leadership fort1,4. De plus, cette direction exerce des contrôles fréquents des activités de l’école4 et encourage son personnel1. La direction d’une école efficace crée un climat participatif sur tous les plans1 et crée un environnement fondé sur la coopération de tous, la confiance, l’équité, le respect et la justice sociale permettant une véritable liberté d’expression4. Elle va jusqu’à protéger les esprits libres ou dissidents4. On y retrouve un climat marqué par l’ouverture, le respect et la confiance entre tous les membres du personnel1. Cette direction favorise la communication régulière entre tous et le désir d’apprendre les uns des autres4. Ses interventions sont fondées sur la résolution de conflits4. Enfin, afin de maintenir la qualité au sein de son équipe, la direction applique un système rigoureux de sélection et de remplacement des enseignants4.

Dans ce type d’écoles, un climat de cohésion et de collégialité règne, c’est une équipe solidaire4. Les conditions particulières « d’efficacité » relèvent d’éléments profonds et fondamentaux liés à la dynamique du groupe. Une culture propre au groupe fondée sur les valeurs, les croyances, les rites et les normes. On parle d’une culture organisationnelle forte au sein de laquelle on observe non seulement un partage des valeurs et des objectifs, mais aussi un dynamisme, un engagement et une participation qui contribuent à la performance de l’élève1.

Souci de la réussite des élèves et développement des compétences du personnel

Dans le cadre d’une planification intégrée et coordonnée des activités d’enseignement-apprentissage, la direction d’une école efficace, sollicite la participation des départements et des enseignants en fonction des objectifs à atteindre de façon à améliorer les résultats des élèves 4. Elle voit à ce que les enseignants soient impliqués dans les choix à faire en matière de curriculums, de matériel à acheter et d’assignation des groupes d’élèves 4. La direction manifeste la volonté d’améliorer continuellement ses compétences3,4. Les enseignants, quant à eux, sont des modèles pour les élèves par leur attitude et leur comportement4. Ils partagent les valeurs4,1 de la mission de l’école et s’engagent, de ce fait, dans la réussite des élèves. Les enseignants travaillent en équipe à préparer, à mettre en place et à évaluer des situations d’apprentissage. Les enseignants et autres acteurs collaborent pour ce qui est des objectifs de l’école, des questions d’enseignement et du développement professionnel4. On observe dans les écoles efficaces une constance dans les méthodes d’enseignement4 ainsi qu’une congruence entre le curriculum et l’enseignement4. De plus, les enseignants manifestent la volonté d’améliorer continuellement leurs compétences et se donnent les moyens d’y parvenir. Ils s’ouvrent au changement et à l’innovation4. Le développement professionnel se fait en équipe4. Dans ce type d’écoles, on croit dans les capacités des élèves et on attend beaucoup d’eux. Le climat est sécuritaire et bienveillant, on met l’accent sur la pédagogie et l’académique. Les écoles efficaces sont des établissements centrés sur les apprentissages, surtout ceux reliés aux matières de base (français et mathématiques)3. On met l’accent sur la reconnaissance du succès dans l’ensemble de l’école4 et on convient de la nécessité d’être responsable de la qualité des performances des élèves4. De plus, le rôle des principaux acteurs est clair et complémentaire, l’accent est mis sur la pédagogie, la relation maître-élève est positive et la gestion de classe, efficace. Sans oublier que la participation des parents à la vie scolaire de leur enfant est primordiale.

Inspirée de ces constats, École et Stratégies propose une méthode de travail (en comités et en chantiers) éprouvée visant à favoriser le développement des attitudes recherchées, dont un certain leadership de la direction ainsi que la mobilisation et l’engagement de l’équipe-école. D’autres caractéristiques des écoles efficaces reliées davantage à leurs interventions orientent le choix des stratégies efficaces d’intervention réunies dans le schéma 3 d’École et Stratégies.

Références de sources premières

1. Deblois, C, & Corriveau, L. (1994) La culture de l’école secondaire et le cheminement scolaire des élèves. Études et recherches, vol. 1. no. 4 CRIRES. Université Laval.

2. Gauthier, C., Mellouki, M., Simard, D., Bissonnette, S. et Richard, M. (2004). Interventions pédagogiques efficaces et réussite scolaire des élèves provenant de milieux défavorisés. Une revue de littérature. FQRSC et Chaire de recherche du Canada en formation à l’enseignement. Université Laval.

3. Gauthier, C., Mellouki, M., Bissonnette, S. et Richard, M. (2005). Écoles efficaces et réussite scolaire des élèves à risque. Un état de la recherche. FQRSC et GRIFPE.

4. Ouellet, G. (2009). Démarche d’accompagnement pour la réussite des élèves et la lutte au décrochage scolaire du décrochage scolaire et augmentation de la réussite éducative dans les écoles secondaires du Québec. Recension des écrits sur les écoles efficaces. Document élaboré à la demande du CTREQ.

5. Ouellet, G. (1995). La gestion de l’enseignement dans les écoles primaires de milieu urbain Étude comparative de quatre groupes d’écoles. Université de Montréal. Thèse de doctorat.

6. Wang, M., Haertel, G. & Walberg, H. (1990) What influences learning? A content analyses of review literature. Journal of Educational Research, 84,p. 30-43. Dans Vie pédagogique, no 90, septembre-octobre, p. 45-49.

Références de sources secondes citées dans le texte

Coleman, J.S., Campbell, E.Q., Hobson, C.J., McPartland, J., Mood, A.M., Weinfeel, F.D., et York, R.L. (1966). Equality of educational opportunity. Washington, DC. US Office of Education.

Henchey, N., Dunnigan, M., Gardner, A., Lessard, C., Muhtadi, N., Raham, H. et Violoto (2001). Des écoles qui font la différence : Rapport final. Douze écoles secondaires canadiennes dans des milieux à faible revenue. Society For the Advancement of excellence in Education.

Jencks, C.,Phillips, M. (1998, September). The black-white test score gap. Educational Week, 18 (4), 44.

Mortimore, P., Sammons, P., Stoll, L., Lewis, D., et Ecob, R. (1988). Scool matters : The Junior Years. Somerset : Open Books. p.6).

Rutter, M., Maugham, B., Mortimore, P., Ouston, J. et Smith, A. (1979Fiteen Thousand Hours : Secondary School an Their Effet on Children. Cambridge, M. A. : Havard University Press.

Stoll, L. et Fink, D. (1996) Changing Our Schools : Linking School Effectiveness and School Improvement. Buckingham : Open University Press. Also translated into Spanish, Lithuania, Croatian, Latvian and Chinese.

Weber, G. (1971). Inner-city children can be taught to read : four successful schools. Council for Basic Education. Vol. 18


* Les principales caractéristiques des écoles efficaces sont issues d’une analyse de recensions d’écrits réalisée par Deblois et Corriveau, 1994, Gauthier et coll., 2004-2005, Ouellet, 2009, ainsi que de la méta-analyse de Wang, Haertel et Walberg, 1993. Ces auteurs citent de nombreux travaux de recherche qui deviennent des sources secondes. Nous nous limitons à citer seulement les auteurs de recensions des écrits et non les auteurs qu’ils citent.