Bilan du projet École et Stratégies
Phase 1 : 2007-2011

 

 

En 2007, le CTREQ lançait un projet pilote afin de répondre à la demande de certains milieux qui désiraient être accompagnés dans l’adoption de nouvelles pratiques issues des résultats de la recherche ou, plus globalement, dans la conception, la mise en œuvre et l’ évaluation d’un plan d’ action favorisant la réussite des élèves et la lutte au décrochage scolaire.

La Commission scolaire de Montréal et l’École secondaire Chomedey-de-Maisonneuve ainsi que la Commission scolaire de la Capitale et l’École secondaire Vanier ont été les partenaires de la toute première heure et le sont restés tout au long des quatre années de l’ expérimentation du projet pilote.

Résumé du modèle École et Stratégies

Le projet pilote a permis de coconstruire et d’expérimenter une démarche – et son modèle d’ accompagnement – baptisée École et Stratégies qui permet à une équipe-école de mettre en œuvre et d’évaluer les impacts d’un ensemble de stratégies efficaces visant la réussite des élèves et la lutte au décrochage scolaire.

École et Stratégies, c’est :

Une démarche qui propose :

  1. Un référentiel de stratégies efficaces :
    • Des déterminants prioritaires de la réussite
    • Un ensemble de stratégies efficaces
  2. Une méthode de travail :
    • Une organisation en groupes de travail;
    • Un mode de fonctionnement;
    • Une démarche en étapes;
    • Un ensemble de pratiques à réviser.

Un modèle d’accompagnement

Qui définit :

  • L’approche;
  • Les rôles et les moyens de l’accompagnateur.

Offre :

  • Une version pour l’accompagnateur des milieux de pratique;
  • Une version pour les formateurs des accompagnateurs des milieux de pratique issue de la phase 2 de ce projet.

Du matériel :

  • Des schémas;
  • Des animations;
  • Des textes de référence;
  • Des outils : synthèses de procédures, exemples de sondage, etc.

Un cadre et des outils d’évaluation des effets d’École et Stratégies sur le personnel scolaire et les élèves.

Cette démarche et son accompagnement sont accessibles sur le site ecolestratégies.ca


Objectif poursuivi par l’évaluation

L’objectif de l’évaluation du projet pilote est de mettre en évidence :

  • La capacité d’École et Stratégies à favoriser la mobilisation du milieu et l’appropriation de la démarche et aux stratégies efficaces;
  • La capacité d’École et Stratégies à contribuer à l’amélioration des déterminants de la réussite ciblés chez les élèves.

Méthode d’évaluation

Une vingtaine de membres du personnel impliqués dans chacune des deux écoles ciblées ont complété deux à trois fois au cours du projet pilote différents questionnaires. Ces derniers visaient à évaluer la mobilisation des acteurs et l’appropriation de la démarche. Le présent rapport d’ évaluation se concentrera sur les principaux résultats observés et recueillis grâce aux questionnaires. De plus, il se fondera sur les renseignements tirés des documents suivants :

  • Le bilan annuel de chaque école;
  • Les présentations dans les milieux d’expérimentation ou lors de colloques;
  • Les documents divers portant sur le développement du modèle.

Les déterminants de la réussite scolaire ciblés par les écoles

Chaque école a réalisé une analyse des forces et des faiblesses des élèves fondée sur leurs résultats scolaires et leurs comportements (habiletés sociales, assiduité, engagement scolaire). C’est à partir de cette analyse qu’elles ont établi les principales cibles (déterminants de la réussite scolaire) de leurs actions futures.

 

Déterminants de l’école A

Quatre déterminants sont retenus :

  • Le comportement : violence verbale et impolitesse;
  • La lecture : motivation et utilisation des stratégies de lecture;
  • L’absentéisme : assiduité et motivation scolaire;
  • L’approche orientante : développer chez les élèves la connaissance de soi (champs d’intérêts, aptitudes, valeurs) et les renseigner sur les métiers et professions.

Déterminants de l’école B

Trois cibles sont retenues :

  • Le comportement;
  • La lecture;
  • Les caractéristiques entrepreneuriales des élèves.

Les principales actions des écoles

Dans le cadre de ce projet pilote, les écoles ont mis en place diverses actions ou pratiques afin d’améliorer la réussite des élèves et de prévenir le décrochage scolaire. En voici quelques-unes réalisées dans l’une ou l’autre des deux écoles.

Lecture

  • Mise en commun de l’expertise professionnelle;
  • Formation et expérimentation d’une méthode de guidage de la lecture (Enseigner la littérature au secondaire et au collégial : une démarche stratégique. Jacques Lecavalier et Suzanne Richard);
  • Formation et expérimentation de l’enseignement explicite des stratégies de lecture (Approche Reading Apprenticeship. Chantal Ouellet, UQAM);
  • Formation et expérimentation de la méthode Lire pour apprendre (Sylvie Cartier);
  • Mise en place d’une classe spéciale pour certains élèves en difficulté suite aux étapes suivantes :
    • Révision des services offerts aux élèves en difficulté du premier cycle du secondaire :
      • Recension des écrits sur le sujet;
      • Sondage auprès des enseignants sur les services de récupération proposés pour les cours de français;
    • En fonction des résultats de cette recension des écrits et de ces sondages, il a été convenu :
      • De regrouper les élèves en difficulté à demi-temps pour l’enseignement des matières de base et de les intégrer au régulier pour les autres matières;
      • D’offrir un accompagnement aux deux enseignants attitrés à l’enseignement du français aux élèves en difficulté, par un chercheur en didactique.
  • Sondage auprès des élèves et des enseignants sur la motivation à lire ainsi que sur les habitudes de lecture des élèves et l’intérêt qu’ils manifestent par rapport à cette activité;
  • Mise en œuvre de stratégies visant à développer le goût et l’habitude de la lecture :
    • Quinze minutes de lecture quotidienne pour les élèves avec animations proposées par les professeurs;
    • Organisation de concours visant à valoriser la lecture, achat de nouveaux livres;
    • Recueil de suggestions de lectures offert aux parents;
    • Visites de salons du livre avec activités et rencontres d’écrivains.
  • Partenariat avec le service d’aide aux devoirs (organisme communautaire) et soutien aux parents dans l’enseignement explicite des stratégies de lecture auprès de leur enfant.

Assiduité/motivation

  • Analyse et révision du système de gestion des retards et des absences;
  • Sondage auprès des élèves sur la fréquence et les motifs de leurs absences ainsi que sur leur emploi du temps au cours de leur absence;
  • Composition du chantier de travail en mettant l’accent sur la représentativité école-communauté : direction adjointe, trois enseignants, travailleuse sociale, TES, organisme de la CS Revdec, organisme communautaire Je passe partout, carrefour jeunesse emploi (CJE);
  • Développement d’une base de données sur l’absentéisme et analyses statistiques;
  • Suivi individualisé dans la communauté des jeunes absentéistes et aide aux parents par l’ entremise du projet Un jeune à la fois :
    • Suivi à l’interne et à l’externe des élèves potentiellement décrocheurs affichant un fort taux d’ absentéisme ou ayant déjà quitté l’école;
    • Réalisation de nombreux appels téléphoniques et de visites (à domicile et autres) afin de maintenir un lien hebdomadaire avec l’élève et ses parents. De nombreux parents ciblés ont été rejoints et plusieurs ont été impliqués dans le processus de « raccrochage » de leur enfant;
    • Accompagnement vers des services pertinents afin de favoriser la réintégration;
    • Mise en place d’activités de valorisation de l’assiduité : dînersrécompenses, conférences sur la motivation, tableaux d’assiduité scolaire et affichage des « Bons Coups ».

Approche orientante et approche entrepreneuriale

  • Définition de l’approche orientante et de l’approche entrepreneuriale;
  • Définition des résultats attendus de l’utilisation de ces approches;
  • Développement de sondages auprès des enseignants pour évaluer les caractéristiques de leurs activités orientantes et entrepreneuriales;
  • Développement d’un outil sur la connaissance de soi pour les élèves;
  • Offre de formation et de soutien sur le développement d’une situation d’enseignement et d’ apprentissage de type orientant et entrepreneurial;
  • Présentation à tout le personnel des cheminements possibles au sein du système scolaire;
  • Activités diverses : la journée des métiers, collaboration avec le Musée des beaux-arts de Montréal, projets en classe pour les élèves de 4e et de 5e secondaire;
  • Activités visant à présenter les projets des élèves.

Les effets de la mobilisation et de l’appropriation de la démarche sur le personnel scolaire

Les résultats présentés dans cette section sont tirés des questionnaires administrés aux membres des comités de pilotage et des chantiers. Ils comprennent également des témoignages ou des rétroactions des participants lors d’évaluations en cours d’expérimentation.

La mobilisation des participants

École et Stratégies définit ainsi la mobilisation :

 

Masse critique de membres du personnel au sein d’une même école qui développe un sentiment collectif de responsabilité d’amélioration de l’école et accepte de questionner et de réviser ensemble leurs pratiques en vue d’augmenter la réussite des élèves.

(voir la section Fondements du site École et Stratégies)

École A : si la mobilisation de l’équipe-école autour du travail des chantiers et du plan de réussite a nettement progressé au cours de la troisième année de l’ accompagnement par rapport aux deux premières années, on note encore une certaine lenteur à mobiliser et à impliquer l’ensemble de l’équipe. Cependant, notons que ces résultats se doivent d’ être nuancés. En effet, à la lecture des réponses aux questions ouvertes (annexe F), beaucoup de commentaires suggèrent une très bonne amorce de ce mouvement de mobilisation.

École B : l’évaluation de la mobilisation sur deux années scolaires (2008 2009 et 2009 2010) démontre un taux de satisfaction très élevé, soit de 89 % à 94 % pour le comité de pilotage et de 73 % à 93 % pour les chantiers.

À titre d’exemple, voici quelques commentaires recueillis lors des évaluations :

  • « La mobilisation des enseignants s’est grandement améliorée au cours des années tant dans les classes régulières qu’en adaptation scolaire. »
  • « Le fait de travailler sur le plan de réussite et d’élaborer les moyens à mettre en place a permis une meilleure mobilisation de l’équipe-école. »

L’appropriation de la démarche

L’appropriation fait partie du processus de transfert des connaissances, de leur repérage à leur mise en pratique en passant par leur adoption par tout le milieu.

À l’école A, l’appropriation de la démarche varie selon les chantiers (lecture, comportement et absentéisme) et selon les items estimés. Certains résultats auraient pu être supérieurs. Par contre, le taux de satisfaction lié à l’appropriation par le comité de pilotage est beaucoup plus élevé, soit de 80 % à 100 % durant l’année scolaire 2009 2010.

L’école B affiche un taux de satisfaction très élevé quant à l’ appropriation de la démarche soit de 87 % à 96 % pour le comité de pilotage et de 69 % à 87 % pour les chantiers.

Selon les commentaires recueillis lors des évaluations, les constats suivants ont été mentionnés :

  • Meilleure appropriation du plan de réussite par l’ensemble de l’école;
  • Utilisation du plan de réussite comme outil de travail;
  • Démarche de résolution de problèmes vraiment centrée sur les objectifs fixés;
  • Souci d’effectuer une évaluation au fur et à mesure;
  • Les membres se sont approprié le travail réalisé en chantier depuis les trois dernières années;

On observe :

  • L’émergence d’une cohérence et d’une direction (on sait où on va…);
  • La sensation d’un meilleur contrôle de la tâche;
  • L’appropriation du plan de lutte au décrochage par un plus grand nombre de personnes;
  • Le souci de se référer aux données validées;
  • Un changement de vocabulaire;
  • Une plus grande coopération entre les membres du personnel;
  • Une plus grande rigueur et une meilleure structure;
  • Une centration des efforts;
  • Le développement de compétences professionnelles;
  • Des prises de conscience concernant :
    • les mécanismes de mobilisation et de concertation;
    • la circulation de l’information dans les écoles;
    • la connaissance de ce qui se fait dans l’école;
    • l’évaluation des impacts des actions;
  • Le maintien de l’expertise malgré le roulement du personnel.

Résultats sur les élèves : effets sur certains déterminants de la réussite éducative

On doit interpréter ces résultats avec prudence, car :

  • Les données tirées des bulletins scolaires peuvent manquer de fiabilité;
  • Le lien de causalité entre les résultats des élèves et l’intervention déployée dans le milieu est très difficile à établir.

Effets en lecture

La lecture est un déterminant retenu par les deux écoles. Les résultats proviennent des bulletins sur une période de cinq années scolaires (2006 2007 à 2010 2011).

École A1
Résultats en lecture (taux de réussite) au cours de ces cinq années, tous secteurs confondus (fin de la 2e secondaire)

On observe que les résultats augmentent de façon constante, soit de plus de 16 % de 2006 2007 à 2009 2010, et ce, tant sur le plan de l’ensemble (tous secteurs confondus) que chez les garçons.

Filles et Garçons
Tous secteurs
Garçons
Tous secteurs
2006-2007 : 55,7 % 50 %
2007-2008 : 62,7 % 56,8 %
2008-2009 : 64,7 % 64,7 %
2009-2010 : 72 % 67,6 %
2010-2011 : 62,1 % 55 %

La baisse très importante de 2010 2011 (+/-10 %) est difficile à expliquer. Cette baisse coïncide avec la fin de l’accompagnement du milieu. Il est cependant impossible d’établir ici un lien de cause à effet.

École B2

2007/2008 Taux en %2007/2008 Moy. en %2008/2009 Taux en %2008/2009 Moy. en %2009/2010 Taux en %2009/2010 Moy. en %2010/2011 Taux en %2010/2011 Moy. en %
1re sec. 56,18 62,10 69,23 62,36 76,81 64,33 65,28 62,39
2e sec. 58,82 53,27 65,56 55,68 46,07 56,96 79,37 64,52
3e sec. 41,27 52,37 73,61 58,58 48,48 56,70 75,44 63,98
4e sec. 50 53,12 58,62 60,93 76,92 66,19
5e sec. 82,86 69,26 76,92 63,38

On observe une légère augmentation de la moyenne et du taux de réussite en 2e, 3e et 4e secondaire pour l’année 2010 2011.

Résulats de la classe spéciale (école B)

Cette classe spéciale est issue d’une collaboration CTREQ-UQAM (2009 2011) accompagnée par Chantal Ouellet, chercheuse au sein de cette université.

L’analyse de situation des compétences en français des élèves du premier cycle du secondaire a mis en évidence le problème récurrent touchant certains élèves en provenance du primaire. Certains d’entre eux ne répondent pas aux critères des classes d’adaptation scolaire (plus de deux ans de retard) tout en étant trop faibles pour tirer profit de la classe régulière.

Les objectifs de l’école visaient à offrir un meilleur service à ces élèves afin de développer leurs compétences en français (lecture), de réduire leur retard scolaire dans cette matière et de réintégrer au moins 10 % des élèves au régulier.

Selon l’évaluation de la chercheuse, les résultats de l’ensemble des acteurs concernés sont positifs pour les deux années. Les taux importants de satisfaction des élèves, de leurs parents, des enseignants de la classe spéciale (avec une semi-intégration) et des autres enseignants recevant les élèves de la classe spéciale indiquent que cette formule a été bénéfique à ces élèves qui sont fragiles lors du passage au secondaire.

Effets sur les comportements (écoles A et B)

Sorties de classe pour comportement inadéquat et expulsions

Entre 2009 2010 et 2010 2011, les statistiques relatives aux sorties de classe dues aux impolitesses démontrent une légère baisse, passant de 4,2 % en 2009 2010 à 3,56 % en 2010 2011. Quant aux expulsions, elles ont baissé de plus de la moitié, soit de 10 pour 383 élèves à 5 pour 402 élèves (école B).

Le soutien aux élèves en difficulté de comportement

On observe une augmentation du nombre de suivis d’élèves et une diminution du nombre d’ expulsions.

La perception du temps consacré à l’enseignement

Le Questionnaire sur l’Environnement Socioéducatif (QES) a relevé une diminution quant à la perception de la perte de temps consacré à l’enseignement par le personnel, soit de 77 % à 60 %.

Les habiletés sociales et la gestion des émotions

  • Les actions universelles auprès d’un groupe-classe

L’expérimentation d’ateliers sur le développement des habiletés sociales (école A) montre qu’un seul groupe sur trois a progressé (les deux autres n’ayant démontré aucun progrès après l’ implantation des mesures) (voir le rapport détaillé).

L’expérimentation d’ateliers sur la gestion des émotions (école A) ne semble avoir fait progresser aucun des trois groupes (voir le rapport détaillé).

  • Les actions ciblées auprès d’élèves identifiés

L’expérimentation d’ateliers sur le développement des habiletés sociales (école B) a permis de faire progresser significativement huit des dix élèves (voir le rapport détaillé).

L’expérimentation d’ateliers sur la gestion des émotions (intervention ciblée, école B) n’a fait progresser aucun des élèves ciblés (voir le rapport détaillé).

Effet sur l’absentéisme et assiduité (école A)

Sur cinq ans, soit de 2006 2007 à 2010 2011, on note une nette diminution du taux d’ absentéisme. Il est passé de 20,8 % en moyenne par élève en 2006 2007 à 14,31 % en 2010 2011.

On observe un écart important (environ 5 %) entre le secteur régulier et celui de l’adaptation scolaire : en 2010 2011, le secteur de l’adaptation scolaire présentait un taux de 15,67 % comparé à 10,84 % au régulier. Malgré cet écart, la baisse du taux d’absentéisme s’observe dans les deux secteurs.

Par ailleurs, contrairement aux absences, les retards matinaux des élèves semblent avoir augmenté au fil des ans.


Conclusion

Grâce à une approche de coconstruction et d’expérimentation dans les milieux, ce projet pilote de quatre ans a permis d’élaborer :

  • Une démarche permettant la mise en œuvre et l’évaluation des effets d’un ensemble de stratégies favorisant la réussite des élèves;
  • Un modèle d’accompagnement des milieux.

Cette démarche et cet accompagnement, baptisé École et Stratégies, semblent démontrer leur effet positif sur la mobilisation du personnel scolaire et sur le transfert de connaissances issues de la recherche. Ses effets sur l’amélioration des déterminants de la réussite ciblés semblent également encourageants.

En plus de ces résultats, ce projet a permis de développer de nombreux outils de soutien à l’ intervention ainsi qu’une documentation scientifique et professionnelle permettant de poursuivre le projet dans une deuxième phase.


1- Résultats reçus de la Commission scolaire le 14 novembre 2011.
2- Résultats les plus récents tirés de LUNIX en lecture au secteur régulier, 17 novembre 2011