Pratiques exemplaires, novatrices ou prometteuses?
Tenter d’y voir plus clair…
Lacroix, M.-È. et Potvin, P. (2009)1

À l’heure actuelle, les pratiques exemplaires (aussi nommées novatrices ou prometteuses) suscitent un intérêt croissant. La création du Portail canadien des pratiques exemplaires (PCPE)2 illustre bien cet engouement, mais également la volonté et le besoin de mieux définir ce qu’est une pratique exemplaire. Cette question est d’autant plus pertinente que les termes « pratique exemplaire, novatrice ou prometteuse » sont parfois utilisés de manière interchangeable dans la littérature. De plus, les critères retenus pour évaluer et interpréter les pratiques peuvent varier selon la source (Dubois, Jetha, Robinson, Szuto, Wan et Wilkerson, 2008; Jetha, Robinson, Wilkerson, Dubois, Turgeon et DesMeules, 2008).

Ce document de travail vise à mieux cerner les critères d’évaluation et d’interprétation des différents types de pratiques dans le but de soutenir et de faciliter la création du répertoire de « pratiques prometteuses ». Ce répertoire, partie intégrante du projet de la banque informatisée d’outils de l’Ordre des Psychoéducateurs et des Psychoéducatrices du Québec (OPPQ), présentera des fiches descriptives des « bonnes pratiques » qui pourraient s’avérer utiles aux psychoéducateurs dans le cadre de leurs activités professionnelles.

Qu’est-ce qu’une pratique exemplaire?

« Une pratique exemplaire est une intervention, un programme, un service, une stratégie ou une politique dont ont a prouvé, au moyen de méthodologies de recherche adaptées et bien documentées, la capacité à apporter les changements souhaités. Une pratique exemplaire est reproductible, adaptable et transférable; elle est la pratique qui convient le mieux, compte tenu des données probantes disponibles, au contexte à l’intérieur duquel elle est utilisée. » (Jetha et al., 2008, p. 5)

Autrement dit, une pratique exemplaire peut prendre différentes formes (une intervention, un programme, un service, une politique, une stratégie ou un protocole d’intervention, notamment). Elle est dite exemplaire lorsqu’il a été démontré, au moyen de méthodes de recherche et d’évaluation scientifique, qu’elle entraîne les effets souhaités. Elle doit aussi être reproductible, adaptable et transférable à d’autres milieux d’intervention. D’autre part, la pratique doit reposer sur des données probantes qui, selon Jetha et al. (2008), désignent :

« Les meilleures données de recherche et d’évaluation disponibles fondées sur une analyse systématique de l’efficacité d’une intervention, d’une stratégie ou d’un service et de son utilisation, en vue d’obtenir les meilleurs conclusions, résultats ou effets possible. Les données probantes peuvent provenir de plusieurs méthodologies de recherche et d’évaluation quantitatives et (ou) qualitatives rigoureusement mises en œuvre et pertinentes. » (p. 5)

À la lumière de ces divers éléments, il va sans dire que peu de pratiques répondent à l’ensemble des critères d’exemplarité. Au départ, le PCPE avait élaboré un système de classification permettant de catégoriser les pratiques selon la méthodologie de recherche utilisée pour évaluer leur mise en œuvre et leurs effets. L’élaboration de ce système de classification avait notamment permis de proposer différents vocables pour les identifier (exemplaires, prometteuses, à surveiller, susceptibles d’être prometteuses, etc.), chacun d’entre eux désignant un degré de rigueur variable. Cependant, les conseillers-experts du PCPE ont réalisé, au fil du temps, que les pratiques exemplaires étaient rares, faute de méthodes d’évaluation suffisamment rigoureuses pour en établir les critères d’efficacité. De plus, il s’avère plutôt difficile de garantir qu’une pratique demeurera exemplaire (engendrera les mêmes effets souhaités) dans un autre contexte que celui dans lequel elle a été créée.

Petit à petit, l’idée de fournir le plus de renseignements possible sur une pratique a été adoptée afin que les milieux intéressés puissent évaluer, selon leur propre situation, si elle leur semblait pertinente. De ce fait, les pratiques qui apparaissent sur le Portail canadien des pratiques exemplaires sont retenues parce qu’elles répondent aux critères suivants :

  • la pratique concerne une maladie chronique ou un sujet relatif à la promotion de la santé;
  • la pratique est une mesure de prévention primaire, de prévention secondaire, ou de réduction des facteurs de risque;
  • la pratique porte sur un ou plusieurs déterminants sociaux de la santé;
  • l’évaluation de cette pratique a été documentée et une méthodologie quantitative (étude expérimentale, quasi expérimentale, observationnelle, descriptive/observationnelle) ou qualitative (recherche phénoménologique ou ethnographique, exposé de faits, étude de cas, élaboration de théories basées sur des données empiriques [grounded theory]) a été utilisée;
  • la pratique doit répondre à des critères de qualité rigoureux et adaptés à la méthodologie utilisée si l’évaluation de l’intervention n’a pas été soumise à la critique de sources crédibles ou si elle n’a pas été publiée dans une revue à comité de lecture;
  • la pratique fait la preuve de son efficacité en suscitant les changements souhaités;
  • la pratique fait la preuve d’une stratégie efficace, reproductible et adaptable (praticabilité);
  • la pratique est accompagnée d’informations suffisantes; on y présente le sujet, la population visée, les buts, les objectifs, les stratégies, les activités, le schéma d’évaluation et les résultats (Dubois et al., 2008, p. 6).

S’ils ont été retenus, ces critères ont toutefois été ajustés à nos besoins dans le contexte de mise en place d’un répertoire de pratiques prometteuses3 en psychoéducation. Voici ce qui en ressort :

  • La pratique retenue est pertinente en psychoéducation (promotion, prévention ou intervention).
  • L’élaboration de la pratique repose sur des données ayant une valeur scientifique incontestée (assises théoriques et méthodologiques).
  • La pratique est reconnue dans le milieu d’intervention pour engendrer les effets souhaités, ces derniers ayant idéalement été évalués de manière qualitative ou quantitative.
  • La pratique est suffisamment détaillée pour qu’un autre milieu d’intervention puisse la reproduire ou l’adapter à son propre contexte d’intervention.

Ajout :

  • Cette pratique peut présenter les caractéristiques d’une approche innovante, dans la mesure où ce qui est mis en œuvre (protocole, intervention, etc.) diffère de ce qui avait cours auparavant.
  • Le milieu ou la personne instigatrice de la pratique doit être en mesure d’agir à tire de répondant pour les nouveaux milieux qui l’implantent.

Il est possible que les pratiques déposées dans le répertoire ne s’appliquent pas telles quelles dans tous les milieux. Cependant, elles ont toutes été conçues de sorte que chaque milieu d’intervention puisse l’adapter selon les exigences de son contexte4.

Références Dubois, N., Jetha, N., Robinson, K., Szuto, I., Wan, G., and Wilkerson, T. (August 2008). Canadian. Best Practices Initiative Methodology Background Paper. Jetha, N., Robinson, K. Wilkerson T., Dubois, N., Turgeon, V.& DesMeules M. ( 2008). Supporting knowledge into action: The Canadian Best Practices Initiative for Health Promotion and Chronic Disease Prevention (http://journal.cpha.ca/index.php/cjph/article/view/1684) Portail canadien des pratiques exemplaires (http://cbpp-pcpe.phac-aspc.gc.ca/index-fra.html).

Références

Dubois, N., Jetha, N., Robinson, K., Szuto, I., Wan, G., and Wilkerson, T. (August 2008). Canadian. Best Practices Initiative Methodology Background Paper.

Jetha, N., Robinson, K. Wilkerson T., Dubois, N., Turgeon, V.& DesMeules M. ( 2008). Supporting knowledge into action: The Canadian Best Practices Initiative for Health Promotion and Chronic Disease Prevention (http://journal.cpha.ca/index.php/cjph/article/view/1684)

Portail canadien des pratiques exemplaires (http://cbpp-pcpe.phac-aspc.gc.ca/fr/#).


1- Document de travail utilisé dans le cadre du projet de la banque informatisée d’outils en psychoéducation de l’OPPQ. http://ordrepsed.qc.ca
2- Le PCPE facilite l'accès aux meilleures données disponibles sur la prévention des maladies chroniques et sur la promotion de la santé (http://cbpp-pcpe.phac-aspc.gc.ca/index-fra.html).
3- Note ajoutée par Pierre Potvin (nov. 2011). Ce qui différencie une pratique prometteuse d’une pratique exemplaire, c’est le fait que la pratique prometteuse n’a pas fait l’objet d’une évaluation scientifique des effets aussi approfondie que la pratique exemplaire.
4- Ce paragraphe a fait l’objet d’une réécriture (Marie-Martine Dimitri et Pierre Potvin, nov. 2011)