Sensibiliser les milieux à une analyse de situation en étapes

La grande variété et l’importante quantité des données habituellement recueillies par les écoles lors de l’analyse de situation soulèvent diverses difficultés :

  • Le processus est fastidieux et peut créer une certaine lassitude;
  • L’ampleur du portrait peut laisser perplexe le milieu qui ne sait pas comment tirer profit de toute cette information;
  • Certaines données s’avèrent peu utilisables, l’action de l’école sur elles étant de faible portée.

Pour pallier ces difficultés, École et Stratégies propose de réaliser une analyse de situation en quatre étapes dont la première est centrée sur l’analyse des principaux déterminants de la réussite liés à l’élève et à la mission de l’école.

Plusieurs domaines de connaissances soutiennent la méthode qui consiste à se concentrer d’abord sur quelques déterminants de la réussite:

  • Les recherches sur les déterminants de la réussite et sur le phénomène du décrochage;
  • La définition officielle de la mission de l’école;
  • Les recherches sur les caractéristiques des écoles efficaces.

Les recherches sur les déterminants de la réussite et du décrochage scolaires

Depuis plusieurs décennies, les recherches sur les caractéristiques des élèves décrocheurs ou à risque de décrocher et celles portant sur les facteurs de risque ou de protection du décrochage ont foisonné au Québec et ailleurs dans le monde1. L’analyse des diverses recensions d’écrits sur ces sujets permet de cerner les principaux déterminants de la réussite et de dégager un consensus quant à une classification touchant cinq grands systèmes , soit l’élève lui-même, l’enseignant, l’école, la famille et la communauté :

En ce qui concerne l’élève, les principaux déterminants sont :

  • Le sexe de l’élève;
  • Le bagage (connaissances) antérieur;
  • Les processus cognitifs-métacognitifs;
  • Les apprentissages dans les matières de base (français, lecture et mathématiques : rendement et retard scolaire);
  • L’ouverture aux apprentissages (engagement scolaire, motivation, absentéisme, aspiration scolaire et attentes de rendement);
  • Les comportements adéquats en classe et à l’école (socialisation, type d’affiliation à des groupes de pairs);
  • L’engagement dans les activités parascolaires, la conciliation travail-études, etc.;
  • Les saines habitudes de vie (santé physique et mentale).

En ce qui concerne l’enseignant, les principaux déterminants sont :

  • La qualité de la gestion de classe (favorise la motivation) et la capacité de prévenir les comportements perturbateurs;
  • Le climat de classe chaleureux et la qualité de la relation maître-élève;
  • La qualité de l’enseignement (favorise l’engagement cognitif des élèves) : Enseignement direct, clair et bien organisé;
  • Les attentes élevées de l’enseignant qui croit aux capacités de tous ses élèves.

En ce qui concerne l’école, les principaux déterminants sont :

  • Le leadership de la direction qui se centre sur l’apprentissage;
  • La coopération entre la direction et les enseignants;
  • Le niveau socioéconomique du milieu;
  • La culture de l’école centrée sur l’apprentissage et la valorisation du succès;
  • Le climat de classe et de l’école :
    • climat de sécurité et de bienveillance
    • influence des pairs
    • peu de comportements perturbateurs
  • La relation école-famille-communauté.

En ce qui concerne la famille, les principaux déterminants sont :

  • Le niveau socioéconomique de la famille;
  • La qualité de la relation parents-adolescents;
  • La qualité de vie offerte aux jeunes (alimentation, sommeil, consommation, activités physiques);
  • Les attentes et aspirations scolaires des parents envers leur jeune;
  • Les pratiques éducatives parentales (l’encadrement parental, la supervision de l’adolescent);
  • La qualité du climat familial : environnement sociopsychologique et stimulation;
  • La connaissance du langage « éducatif » de l’école et la capacité de l’utiliser;
  • La qualité de la relation parents-école, l’implication parentale.

Enfin, en ce qui concerne la communauté (facteurs sociaux), les principaux déterminants sont :

  • Le niveau socioéconomique du quartier de résidence, le voisinage et les services;
  • L’engagement de la communauté dans la valorisation de l’éducation et de l’apprentissage;
  • Les partenariats avec l’école;
  • Le service des organismes communautaires d’aide aux parents dans l’éducation de leur enfant.

Parmi l’ensemble des déterminants de la réussite scolaire présentés ci-dessus, certains jouent un rôle particulièrement important dans le risque de décrochage scolaire. Les déterminants liés à l’élève lui-même sont : le fait d’être un garçon, les apprentissages dans les matières de base (le rendement scolaire, les difficultés scolaires), les comportements en classe; liés à l’enseignant : la gestion de classe et la relation enseignant-élève; liés à l’école : le niveau socioéconomique du milieu; liés à la famille : la situation socioéconomique (défavorisation), le climat familial tout particulièrement la relation parent-adolescent.


La définition officielle de la mission de l’école

Bien que l’ensemble de ces déterminants concourt à favoriser la réussite éducativeCommentaires : La réussite éducative peut être définie comme une visée du développement global des jeunes sur le plan physique, intellectuel, affectif, social et moral (spirituel). Le bien-être, l’accomplissement de soi, le bonheur en constituent les résultats ultimes (Potvin 2010).
Selon les systèmes ou les acteurs impliqués en éducation, différents accents peuvent définir la réussite éducative : la réussite éducative scolaire, la réussite éducative familiale et la réussite éducative communautaire (Potvin 2010).
de l’élève, la définition de la mission de l’école vient préciser les déterminants prioritaires de l’action de cette dernière.

La mission de l’école se définit par trois verbes : instruire, socialiser et qualifier.

La réussite au plan de l’instruction

« L’élève réussit au plan de l’instruction s’il développe les compétences nécessaires pour assurer son développement cognitif et la maîtrise des savoirs tels que déterminés dans le Programme de formation et, s’il y a lieu, en fonction d’attentes particulières telles que fixées au plan d’intervention ».2

La réussite au plan de la socialisation

« L’élève réussit au plan de la socialisation s’il peut établir et entretenir des relations sociales, s’adapter et s’intégrer à la vie en société, exercer une citoyenneté responsable. Cela se traduit notamment par le développement de compétences nécessaires pour assurer son développement social et affectif, tel que déterminé par le Programme de formation, et s’il y a lieu, en fonction d’attentes fixées au plan d’intervention. » 3

La réussite au plan de la qualification

« L’élève réussit au plan de la qualification s’il a obtenu, à la fin d’un parcours scolaire, une reconnaissance officielle des compétences requises pour exercer un métier ou poursuivre ses études à un palier supérieur. Ces compétences, déterminées dans le Programme de formation, devraient favoriser son insertion sociale et professionnelle ».4

Cette définition de la mission de l’école influence le choix et l’importance accordée à l’analyse de certains déterminants de la réussite liés aux élèves qui deviendront donc les cibles d’intervention prioritaires de l’école.

Par ailleurs, les recherches sur les écoles efficaces apportent un éclairage supplémentaire sur les déterminants prioritaires et sur les moyens dont les écoles disposent pour les améliorer.


Les recherches sur les écoles efficaces

Le texte de référence « Les écoles efficaces » résume les principales conclusions des recherches effectuées sur le sujet.

Trois conclusions soutiennent le choix des déterminants liés à l’élève comme priorité d’action de l’école et le choix des pratiques à mettre en œuvre pour les améliorer.

La centration sur les apprentissages de base

Les écoles efficaces se concentrent sur les apprentissages, particulièrement ceux reliés aux matières de base (français et mathématiques). Cette donnée est tirée d’un relevé de recherches effectuées au Canada, aux États-Unis et en Angleterre 5678.

Tant les chercheurs que les programmes de lutte au décrochage du MELS et des commissions scolaires font de l’apprentissage à la lecture une priorité91011 .

Un environnement sûr et ordonné

Des règles pertinentes favorisent un environnement sans violence et sans intimidation. Le code de vie de l’école indique aux élèves ce qu’on attend d’eux sur le plan des apprentissages et des comportements.

L’école veille à son application cohérente et systématique par l’ensemble du personnel.

Le recours à des pratiques ou à des programmes efficaces

Les pratiques d’enseignement, comme certains programmes de développement des habiletés sociales, ont également fait l’objet de plusieurs recherches. Leur qualité de même que la présence d’une variété d’approches et d’interventions ainsi que le suivi rigoureux et fréquent des apprentissages comptent au nombre des facteurs qui influencent le rendement des élèves.

Les pratiques des écoles devront donc être revues à la lumière de ces éléments.


Une analyse de situation en étapes

La proposition d'analyse de situation en étapes est soutenue par différents éléments:

  • La constance des faibles apprentissages des décrocheurs dans les matières de base et de leurs difficultés de comportement,;
  • La définition officielle de la mission de l’école qui fait de l’enseignement le principal service offert;
  • Certaines caractéristiques des écoles efficaces, dont la centration sur les apprentissages et le recours à des pratiques efficaces.

L’expérimentation de cette méthode a permis d'apprécier son efficacité, notamment en permettant aux milieux de concentrer d'emblée leurs efforts sur les principaux déterminants de la réussite et ainsi éviter l'éparpillement et l'essoufflement.

Les quatre étapes de l'analyse sont  :

Les niveaux 2, 3 et 4 mènent à des propositions d’amélioration des pratiques qui seront expérimentées et évaluées. Au terme de quatre à cinq années de réflexion et de travail, l’amélioration de chaque déterminant ciblé est soutenue par la mise en œuvre d’un ensemble de pratiques cohérentes, complémentaires et systémiques.

Le schéma 8 illustre ces étapes et leurs objets d’analyse.

Suite : Clarifier les concepts


1- Lessard, A, Potvin, P., Fortin, L., &. (2012). Prévention du décrochage scolaire. Dans L. Massé, N. Desbiens, & C. Lanaris (2e Éds.), Troubles du comportement à l'école : prévention, évaluation et intervention. Montréal : Gaëtan Morin Éditeur.
Gilles, J-L., Potvin, P., Tièche Christinat (Éds.) (2012). Les alliances éducatives pour lutter contre le décrochage scolaire. Peter Lang. Berne.
Potvin, P. (2012). Prévenir le décrochage scolaire. pour mieux comprendre la réussite ou l’échec scolaire de nos enfants et adolescents. Collection Psychoéducation : fondements et pratiques. Béliveau éditeur
2- MES. Direction de l’adaptation scolaire et des services complémentaires, « Protocole d’évaluation de l’application de la politique de l’adaptation scolaire » document de travail, 2001.
3- Idem
4- Idem
5- Gauthier, C., Mellouki, M., Bissonnette, S. et Richard, M. (2005). Écoles efficaces et réussite scolaire des élèves à risque Un état de la recherche. CRIFPE. Université Laval
6- Opération solidarité. Plan d’action 2001, p. Dimitri, Ouellet, CSDM
7- Dunnigan, Muriel, Gardner, A., Lessard, C., Muhtadi, N. Twelve Secondary Schools in Low-Income Settings. Schools that make a difference. Society for the Advancement of Excellence in Education. Helen Raham Editor. November 2001.
8- Janosz, M. Deniger, M-A. Évaluation de programmes de prévention du décrochage scolaire pour adolescents de milieux défavorisés. 1998-2000. Rapport synthèse de recherche. Montréal, juin 2001.
9- Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) (2011): Stratégie d’intervention agir autrement (SIAA. http://www.mels.gouv.qc.ca/agirautrement/index.htm
10- Ministère de l’éducation des loisirs et du sport (MELS) (2009). L’école j’y tiens. Tous ensemble pour la réussite scolaire. www.mels.gouv.qc.ca/sections/publications/publications/EPEPS/Formation_jeunes/LEcoleJy
11- Groupe d’action sur la persévérance et la réussite scolaire au Québec (2009). Savoir pour pouvoir. Entreprendre un chantier national pour la persévérance scolaire. Rapport Ménard.