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Des modèles de mobilisation

 

Le modèle de Tremblay M. et Simard, G. (2005)1

Ces auteurs se réfèrent à la définition suivante de la mobilisation dans un contexte d’entreprise :

« … masse critique d’employés qui accomplissent des actions positives, faisant partie ou non de leur contrat de travail, rémunérées ou non, visant à favoriser le maintien et l’amélioration de la santé sociale et psychologique de leur milieu de travail et à rendre l’organisation meilleure et plus performante. »

Ils proposent le modèle suivant :

modele-mobilisation-tremblay

Ce modèle de mobilisation s’appuie sur la notion d’échange entre l’organisation et les employés. L’employeur fournit au personnel un certain nombre de bénéfices psychologiques (sentiment de confiance, de soutien, de justice, d’empowerment et de reconnaissance) par le biais de pratiques organisationnelles telles que les pratiques de gestion des ressources humaines, l’organisation du travail ainsi que le style de leadership, les partages des énoncés de vision, de mission, de valeurs. Les employés répondent à ces bénéfices psychologiques par une motivation et un engagement au travail plus élevés. Les collègues de travail peuvent aussi intervenir dans ces relations d’échanges. Il faut aussi souligner qu’un climat favorable permet de développer une plus grande mobilisation qui en retour influencera favorablement le climat de l’organisation.

Ces auteurs définissent ainsi les principaux facteurs influençant la mobilisation (déterminants) :

La confiance : Propension à attribuer des intentions positives à l’autre partie à notre égard en nous appuyant sur ses paroles, ses actions et ses décisions. Une forte confiance de l’employé envers l’employeur s’acquiert avec la forte conviction que l’employeur remplira ses obligations dans l’avenir.

Le sentiment de soutien : Sentiment que l’on se préoccupe du bien-être des employés. Croyance qu’une aide sera disponible de la part de l’organisation ou de ses représentants lorsqu’un de ses membres sera placé devant une situation difficile. Le soutien joue le rôle d’une dette à payer envers la source de ce soutien.

Le sentiment de justice : La justice se définit comme l’un des facteurs majeurs que les individus utilisent pour définir la qualité de leurs relations avec leur employeur.

Le sentiment de pouvoir agir (Empowerment) : Les employés se mobiliseront davantage s’ils perçoivent qu’ils ont les capacités et les possibilités de le faire. Le sentiment de pouvoir agir est favorisé par une organisation de l’entreprise qui met en place un ensemble de pratiques et de politiques qui visent à confier aux employés plus de pouvoir, de contrôle et d’autorité au travail. Psychologiquement, le sentiment de pouvoir agir repose sur un ensemble de cognitions liées à la capacité des individus d’agir sur les événements.

Le sentiment de reconnaissance : Reconnaissance et récompense des efforts et des performances. Les individus se mobiliseront plus fortement s’ils ont la conviction que leurs actions seront reconnues et appréciées.

Cependant, un bon climat organisationnel ne peut constituer une condition suffisante pour entraîner une forte mobilisation. Il faut aussi une forte motivation ainsi qu’un engagement émotionnel élevé pour que les employés se mobilisent.

La motivation : Un bon climat psychologique devrait favoriser la mobilisation en agissant sur les mécanismes cognitifs liés à la motivation, en particulier en donnant une plus grande assurance que les efforts conduiront à une meilleure performance qui à son tour mènera à des récompenses. Un climat psychologique positif serait plus susceptible d’inciter les employés et les groupes à se fixer des objectifs élevés et à persister dans la réalisation de ceux-ci.

L'engagement : L’engagement émotionnel génère une force positive qui donne une direction et une persistance aux comportements. Plus la cible de l’engagement est proche de la vie quotidienne (les élèves, les autres enseignants) plus l’attachement est susceptible de donner lieu à des comportements de mobilisation. Un engagement émotionnel élevé à l’égard d’un groupe motiverait davantage les membres à orienter leurs efforts et leurs comportements vers la réalisation des objectifs du groupe.


Le modèle de Bryk, A., Camburn, E., & Louis, K. S. (1999)2 .

Ces auteurs proposent un modèle de communauté de pratique définie par des interactions fréquentes entre les membres, des actions influencées par des normes partagées et une centration sur l’amélioration de l’enseignement et des apprentissages. Ces communautés exercent le dialogue réflexif, collaborent et coopèrent jusqu’à partager leurs pratiques (pratiques déprivatisées).

Certains facteurs, comme la taille de l’école, le style de leadership de la direction le sentiment de confiance, viennent favoriser ou non le bon fonctionnement de la communauté.

Les auteurs proposent le schéma suivant :

modele-bryk

Ces auteurs définissent ainsi les principales caractéristiques d’une communauté de pratique :

Les composantes comportementales

Le dialogue réflexif : Discussion fréquente avec les collègues au sujet de leur pratique d’enseignement.

La pratique déprivatisée : La salle de classe est ouverte aux autres enseignants (ex. coenseignement, observation pour coaching).

La collaboration/coopération : Collaboration sur des projets touchant toute l’école, engagement dans des efforts pour améliorer l’établissement scolaire.

Les composantes normatives

Le contrôle normatif : Normes sociales dont l’accent est mis sur l’amélioration de l’apprentissage des élèves et une vision positive de l’innovation. Les enseignants développent un sentiment collectif de responsabilité envers l’école et ses améliorations possibles.

Les composantes organisationnelles

La taille de l’école : Les écoles plus petites auraient plus de facilité à développer de telles communautés.

Le leadership de la direction : La direction est un facilitateur (permet d’allouer temps et matériel nécessaire pour la communauté) et un acteur impliqué dans la communauté (alimente alors un climat normatif positif envers l’innovation).

La confiance : La confiance entre les collègues enseignants et autres personnes importantes est essentielle à l’établissement d’une communauté.

La capacité d’une école à innover dépend de la capacité collective à comprendre et appliquer de nouvelles idées au sujet de l’enseignement et l’apprentissage. La présence d’une communauté professionnelle dans une école apporte l’opportunité et l’incitation à innover.

La communauté professionnelle peut être vue comme une manifestation de la mobilisation dans une école.

Dans une école dont le personnel est mobilisée:

  • Les interactions entre les enseignants sont fréquentes;
  • Les actions des enseignants sont influencées par des normes partagées;
  • Les normes mettent l’emphase sur la pratique enseignante et sur les améliorations à l’enseignement et à l’apprentissage.

Le modèle de Midthassel, U. V. (2004)3 .

Cet auteur définit des activités de développement de l’école (ADE) qui peuvent aussi être vues comme des manifestations de la mobilisation dans une école.

Ces activités mettent l’emphase sur la formation continue des enseignants vue comme l’apprentissage de nouvelles méthodes d’enseignement ou comme la réflexion sur la pratique. L’implication des enseignants dans les ADE nécessite souvent du travail supplémentaire au travail régulier.

Midthassel propose le modèle suivant :

modele-mobilisation-midthassel

Cet auteur définit ainsi les principales variables qui influencent l’implication des enseignants dans des activités de développement de l’école :

Les attitudes : La participation aux ADE implique une charge de travail supplémentaire. Pour s’impliquer, il faut que les enseignants aient alors la croyance que les effets bénéfiques de ce travail supplémentaire vont égaler les coûts. De plus, puisque les enseignants sont plus impliqués auprès de leurs élèves que de leur école, ils doivent aussi avoir la croyance que leur implication dans les ADE va améliorer leur enseignement et l’apprentissage des élèves.
Il est ainsi attendu que plus les enseignants pensent que la participation aux ADE aide leur travail, plus ils vont être impliqués dans ces ADE.

Les normes subjectives : Bien que les enseignants soient plutôt autonomes dans leur classe, ils font aussi partie d’une équipe d’enseignants. Dans une communauté, les comportements des individus qui la composent sont influencés par les normes subjectives de cette communauté. De plus, il existerait un effet interactif entre les attitudes et les normes subjectives perçues. Les attitudes envers les ADE auraient un effet plus grand sur l’implication des enseignants lorsque l’innovation est perçue comme étant une norme sociale subjective positive dans une école.

Le rôle du directeur : Le directeur peut agir en tant que facilitateur en levant les barrières relatives à l’implication des enseignants. De plus, il peut agir sur les normes subjectives en reconnaissant l’importance des ADE dans l’école. Un directeur d’école qui offre du support, de la collégialité et de l’autonomie reçoit de la loyauté en retour de la part des enseignants. Ainsi, l’implication du directeur de l’école dans les ADE influencera les normes subjectives perçues. De plus, les attitudes envers les ADE auraient un effet plus grand sur l’implication des enseignants lorsque le directeur prend un rôle actif dans les ADE.


Le modèle de Thoonen, E. E. J., Sleegers, P. J. C., Oort, F. J., Peetsma, T. D., & Geijsel, F. P. (2011)3.

Les activités d’apprentissage professionnel sont définies comme des activités qui se réalisent à l’intérieur de l’école et qui permettent le développement de communautés d’apprenants.

En étant impliqué dans ce type d’activité, un enseignant favorise son développement professionnel, ainsi que le développement de l’école, en aidant à l’amélioration des pratiques enseignantes.

Selon les auteurs, trois types d’activités constituent des activités d’apprentissage professionnel :

  • la lecture ou l’acquisition de nouvelles connaissances;
  • l’expérimentation;
  • la réflexion.

Ces auteurs proposent le modèle suivant :

modele-mobilisation-thoonen

Ces auteurs définissent ainsi les principales caractéristiques des activités d’apprentissage professionnel :

Motivation des enseignants

Le sentiment d'auto efficacité (attentes) : Le sentiment d’auto-efficacité implique la croyance que l’enseignant pourra réaliser la tâche. Il s’attend donc à un certain succès. Plus cette croyance est élevée et plus l’enseignant sera impliqué dans les APE.

L'internalisation des buts de l’école (valeurs) : La réalisation d’une tâche dépend de l’importance et de l’intérêt qui lui sont attribués par l‘enseignant. Une plus grande acceptation des buts et des valeurs de l’école amènerait les enseignants à être plus impliqués dans les changements de pratiques enseignantes.

La tolérance envers l’incertitude et bien-être (aspects affectifs) : La motivation des enseignants dépend de leurs sentiments ou de leurs réactions émotionnelles. Les enseignants qui tolèrent moins l’incertitude auraient plus tendance à suivre la même routine sans y apporter de changement. De plus, cette moins grande tolérance envers l’incertitude les amènerait à éprouver moins de bien-être dans leur travail lorsque des changements de pratiques enseignantes sont implantés.

Conditions organisationnelles de l’école

La collaboration : Les expériences de collaboration de même que l’échange de connaissances et d’idées constituent le noyau d’une communauté d’apprenants. La coopération et la collégialité permettent d’apporter du support, émotionnel et psychologique, aux enseignants.

La participation au processus :  La participation au processus fait référence à l’influence partagée entre tous les intervenants dans une de prise de décision. Une plus grande participation au processus permettrait l’internalisation des buts et des valeurs de l’école.

La confiance : La confiance est un élément-clé d’une communauté d’apprenants. Elle diminue le sentiment d’incertitude et de vulnérabilité des participants. Elle permettrait aussi de développer le sentiment de responsabilité individuelle et collective face à la qualité de l’éducation et les apprentissages des élèves. De plus, lorsque la confiance est plus élevée, un enseignant est plus porté à investir ses énergies à contribuer aux buts de l’école.

Leadership transformationnel

Ce leadership favorise le développement d’un plus haut niveau d’implication personnelle des employés par rapport aux buts de l’organisation et donc une plus grande productivité et des efforts supplémentaires de leur part.

La vision : En initiant et en identifiant une vision, le leader contribue à générer un attachement émotionnel des enseignants, renforce l’identification personnelle et sociale avec l’organisation et augmente la cohésion.

La considération : Tentative de comprendre, reconnaître et satisfaire les besoins des enseignants.

La stimulation intellectuelle : Encourage les enseignants à questionner leurs croyances et valeurs et augmente la capacité des enseignants à solutionner des problèmes individuels ou de groupe.

Les activités d’apprentissage professionnel (AEP) peuvent aussi être vues comme des manifestations de la mobilisation dans l’école.



Le modèle de Graham 5

Le modèle de Graham s’avère fort intéressant pour compléter et préciser le modèle de Tremblay.

La traduction et la légère adaptation de Michelle Gagnon en offrent une bonne représentation.

modele-gagnon

Ce modèle considère deux concepts clés : la création de connaissances (représentée au centre du modèle par la pyramide inversée) et sa mise en action (cycle).

Ces deux concepts sont perméables et l’un et l’autre peuvent s’influencer tout au long du processus de transfert décrit en huit étapes.

La création de connaissances

La création de connaissances :produire, rechercher et traiter des connaissances scientifiques ou expérientielles. Plus les connaissances migrent vers le bas de la pyramide inversée, plus elles sont sélectionnées en fonction de différents critères (validité, pertinence et degré d’utilité pour les milieux de pratique, etc.). Ce processus comprend trois étapes :

  • La recherche de connaissances
  • L’élaboration de synthèse
  • La création de produits/outils

 

Le cycle de la mise en action

Trouver le problème : on peut soit cerner un problème qui nécessite des connaissances pour le résoudre, ou alors découvrir de nouvelles connaissances qui nécessitent la vérification de l’écart entre les pratiques actuelles et ces nouvelles connaissances.

Adapter les connaissances au contexte social : processus par lequel une connaissance particulière est jugée utile et appropriée dans un milieu ou un contexte donné. À cette étape, la connaissance peut être ajustée à la situation particulière.

Évaluer les obstacles : repérer des obstacles ou des facilitateurs de l’utilisation au niveau de la connaissance elle-même, des utilisateurs ou du contexte et prévoir des interventions appropriées pour favoriser le processus.

Choisir, adapter et mettre en place les interventions : mettre en œuvre les interventions nécessaires à l’implantation de la nouvelle connaissance. Ces interventions peuvent varier en fonction de l’auditoire que l’on désire toucher.

Surveiller l’utilisation :suivre et mesurer l’utilisation; trois types d’utilisation peuvent être mesurés :

  • Utilisation conceptuelle (changement sur le plan des connaissances, de la compréhension ou des attitudes);
  • Utilisation instrumentale (changement dans les comportements ou les pratiques);
  • Utilisation stratégique (connaissances comme appui des croyances, attitudes ou décisions actuelles).

    Cette surveillance permettra d’évaluer le degré de changements apporté chez les utilisateurs par l’utilisation des connaissances et le besoin éventuel de nouvelles interventions. Le cas échéant, la surveillance permet aussi de déterminer les causes du     manque d’utilisation et de changement (manque d’intérêt des utilisateurs, obstacles hors contrôle ou nouveaux obstacles apparus suite à l’implantation de la nouvelle connaissance, etc.).

Évaluer les résultats : vérifier l’impact de la nouvelle connaissance sur le problème identifié.

Maintenir l’utilisation des connaissances : déterminer les obstacles au maintien de la connaissance, élaborer des interventions visant à y faire face, surveiller le maintien des connaissances et évaluer l’impact à long terme.


1. Tremblay M. et Simard, G. (2005). La mobilisation du personnel : L’art d’établir un climat d’échange favorable basé sur la réciprocité. Gestion, 30(2), 60-68
2. Bryk, A., Camburn, E., & Louis, K. S. (1999). Professionnal community in Chicago elementary schools : Factors and organizational consequences. Educational administration quarterly, 35, 751-781.
3. Midthassel, U. V. (2004). Teacher involvement in school Development activity and its relationship to attitudes and subjectives norms among teachers : A study of norwegian elementary and junior high school teachers. Educational Administration Quarterly, 40, 435-456.
4. Thoonen, E. E. J., Sleegers, P. J. C., Oort, F. J., Peetsma, T. D., & Geijsel, F. P. (2011). How to improve teaching practices : The role of teacher motivation, organizational factors, and leadership pratices. Educational Administration Quarterly, 47, 496-536.